1. Qui suis-je ?

    07 octobre 20242 minutes

    Dans l'anonymat des transports en commun, je me fonds. Chacun, dans sa bulle, s'ignore autant qu'il le peut. Dans le brouhaha de la pause café, je me détends, banalités du quotidien. Dans la réunion qui suit, je m'impose, je dirige, je décide. Téléphone ! S'adapter à son interlocuteur : "Bien sûr cher client". Solitude relative du bureau, échanges de mails formels, attendus. Discussion animée autour d'un film controversé, rester neutre, poli, gommer les aspérités. Partir. Respirer, soupirer, envie de s'étirer. Les métros du soir sont plus lourds de toutes les journées écoulées, de tout ce qui a été ou pas. Regrets et satisfactions mêlées. Rires, joie, retrouvailles : "Je t'ai fait un dessin". Moments baignés de gaieté et de sourires. Dans la pénombre de la chambre et la tendresse de l'histoire du soir : calme et sérénité. La porte s'ouvre et je deviens autre, épouse cette fois. Chaque jour le me perds dans la mosaïque de ma vie.

    1. Atelier
  2. La lecture (textes 3 et 4)

    14 septembre 20243 minutes

    3- Je me souviens de ma première motivation pour lire, je voulais savoir ce qui était écrit dans la rue : le nom des magasins, les publicités, le nom des rues… Quelle difficulté j'ai eu à déchiffrer puis à comprendre l'enseigne "Coop". Le concept de magasin coopératif était un peu compliqué à 5 ans. Et la surprise de découvrir dans les tunnels du métro la litanie "Dubo", "Dubon", "Dubonnet" ! A l'époque il m'était plus facile de lire à voix haute au grand amusement des autres passagers. Plus tard, en cours, le professeur était soit trop rapide pour ma compréhension, soit trop lent pour ma concentration. Heureusement la lecture me permettait d'apprendre à mon rythme. Encore aujourd'hui, surtout aujourd'hui, les informations se bousculent et s'effacent d'un jour à l'autre, dune actualité à l'autre. Alors j'attrape des bribes et j'utilise internet pour accéder à des articles de fond pour approfondir tel ou tel sujet. Tout dernièrement, avec les Jeux olympiques à Paris, ou plutôt paralympiques, j'étais intriguée par les mécanismes de sélection et de compétition. Peut-on faire concourir aveugles et borgnes ensembles ? Quelqu'un qui n'a qu'un bras avec quelqu'un qui n'en a pas ? Mes lectures m'ont montré la complexité du problème. La classification comporte une à deux lettre pour le sport et un ou deux chiffres pour le niveau de handicap. Les lettres font référence au nom du sport en anglais. Ainsi, les nageurs concourent en catégorie S (« swimming ») et les avironniers en PR (« para rowing »). Les chiffres renvoient, eux, au degré de handicap. Plus il est petit, plus le geste sportif est limité. Un basketteur classé à 4,5 a plus de capacités fonctionnelles qu’un joueur à 1. Dans les sports collectifs, les équipes ne doivent pas dépasser un total de points établi. Un examen médical permet d’évaluer l’impact du handicap sur les performances de l’athlète et de leur associer une catégorie, afin de favoriser l’équité. 4- Je ne relis pas souvent les livres déjà lus. Comme je privilégie les romans et parmi eux, les ouvrages policiers ou à suspense, les relire présente moins d'intérêt!; je connais déjà la fin et les rebondissements. Souvent, si deuxième lecture il y a, je relève une ou deux incohérences. D'autre fois, par contre, je repère les indices disséminés par l'auteur et admire la construction de l'intrigue. Il me semble que la poésie permet plus facilement des lectures répétées, le choix des mots et la musicalité des phrases apportant une émotion renouvelée. Ainsi, un livre que je relis, à chaque fois avec plaisir, c'est "le petit prince". D'une lecture à l'autre, c'est l'allumeur de réverbères ou le comptable, ou un autre qui vont retenir mon attention. Bien entendu, je suis très vigilante quand aux éventuelles pousses de baobab que je pourrais détecter dans mon jardin. Je m'efforce quotidiennement de voir avec mon cœur et le renard apprivoisé et mon personnage préféré. Ce livre peut être lu très jeune et relu tout au long de sa vie, l'expérience personnelle modifiant notre sensibilité au texte. La perte d'une personne chère donne plus d'acuité au départ du Petit Prince et d'importance au scintillement des étoiles.

    1. Atelier
    2. Littérature
  3. La lecture (textes 1 et 2)

    14 septembre 20242 minutes

    1- La lecture est synonyme d'évasion. Elle permet de vivre des moments hors du temps, hors du lieu ! Il m'est arrivé de lire un roman pluvieux pour m'apercevoir, après, que le soleil brillait dans la vraie vie ! La lecture est synonyme de confort. Un canapé ou un fauteuil, dans un jardin ou sur la plage, les heures passent. Quand j'arrête de lire c'est un peu comme un réveil, je m'étire, regarde l'heure (déjà !). La lecture est synonyme de savoir. Des manuels scolaires aux encyclopédies, des rapports scientifiques aux vulgarisations, des magazines d'information aux magazines spécialisés, on peut tout apprendre. La lecture est synonyme de partage. Partage d' l'auteur avec ses lecteurs, partage des personnages entre eux et avec nous, partage entre les lecteurs. 2- La première lecture qui m'a marqué est la série des Petitou, dans la collection Rouge et Or. Il s'agit d'un petit nain à la longue barbe blanche qui vit dans un trou de souris à Copenhague, dans un appartement où vivent le papa, la mama, , le garçon et la fille sans prénom, ce ne sont pas eux les héros. Je me souviens encore de la nuit où Petitou et les souris ont collé des petits bouts d'ouate sur le village en carton fabriqué par les enfants pour les émerveiller le lendemain. Ou quand enrhumé, il décide de prendre une pastille pour la toux et se retrouve collé à plusieurs d'entre elles jusqu'à ne plus pouvoir bouger. Heureusement le chat de la maison a accepté de les sucer pour délivrer le nain ! J'attendais avec impatience les occasions, Noël, anniversaire, pour obtenir le tome suivant. Je les avais tous avant que, l'âge aidant, je passe à d'autres livres. J'en ai lu à mais enfants mais ils n'ont pas accroché et aujourd'hui je ne les ai plus.

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    2. Littérature
  4. Le dix mai, à sainte Austreberthe

    27 avril 20242 minutes

    Le dix mai, à sainte Austreberthe, jour de la fête patronale, une brocante réputée s'y tient. J'étais donc parti pour ce village dès le petit déjeuner avalé. Ma voisine m'avait vanté cette brocante qui, d'après elle, abondait en occasions à saisir. Hélas cette information s'est révélée fausse. Des bibelots élégants et rares étaient bel et bien exposés mais à des prix prohibitifs dépassant largement le budget que j'avais prévu. Ceci dit je ne regrettais pas la balade. Le soleil brillait et, en ce début de printemps, la fragrance des lilas embaumait l'air. L'un des exposants était un antiquaire notable de la région et les badauds s'y agglutinaient. Je me frayai un passage et découvris l'horloge comtoise que je cherchais depuis longtemps. Je pris le risque d'aller déjeuner, espérant qu'en fin de journée les négociations seraient plus faciles. Et effectivement, vers dix-sept heures, le stand était plus accessible. Après d'âpres discussions, j'obtins l'objet convoité pour deux cents euros ! et c'est seulement quand je voulus l'emmener que je me rappelai que j'étais venu à bicyclette.

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  5. Cinq heures sonnent au clocher de l'église de Saint Martial de Combraille

    27 avril 20243 minutes

    Cinq heures sonnent au clocher de l'église de Saint Martial de Combraille, petite ville de villégiature. Marcelin est déjà levé, rasé et habillé. Il a toujours été matinal et bien sûr, l'été, le soleil brille déjà et le village est encore calme. Il prend le temps de lever les trois œufs de ses poules, de leur donner du grain et de l'eau avant de partir pour la boulangerie, seul commerce ouvert aux aurores. A petits pas, appuyé sur sa cane, il arrive en même temps qu'Auguste, son complice de toujours. Lui est venu à bicyclette. Depuis que sa fille Lydie a transformé la maison familiale en maison d'hôtes, Auguste se charge du ravitaillement en viennoiseries et en gros pains de campagne si typiques ! Les deux compères prennent le temps d'échanger quelques nouvelles autour d'un café offert par la boulangère qui les aime bien. Ensuite l'un retourne apporter le petit déjeuner tandis que l'autre, toujours à petits pas, rejoint la boucherie qui vient juste d'ouvrir. Encore une fois, Marcelin a bien calculé son allure, il en est tout fier. Ce matin, il choisit un steak pas trop gros et rentre chez lui. Il croise quelques vacanciers, certains achètent de quoi pique-niquer, d'autres partent sac au dos en randonnée ou en excursion. Les habitués, qui reviennent chaque année, échangent quelques mots avec Marcelin, la météo essentiellement. Bien que proche des stations thermales de la région, le village n'est pas envahi de touristes, juste assez pour apporter animation et espèces sonnantes et trébuchantes sans dénaturer la quiétude du lieu. Marcelin range le staek dans le réfrigérateur et va s'occuper du potager. pas grand chose à faire en cette saison : arracher quelques mauvaises herbes, cueillir du serpolet et choisir une belle salade... Ensuite, pile à treize heures, il déjeune devant le journal télévisé qu'il n'écoute pas vraiment puis, sa petite vaisselle terminée, la sieste l'occupe jusqu'à ce que le soleil soit moins brulant. Comme les autres jours, il va cueillir un bouquet dans la partie fleurie de son jardin. Des marguerites aujourd'hui, les glaïeuls sont encore en boutons. Il va au cimetière discuter avec Eugénie. Il ne lui a pas encore totalement pardonner de l'avoir laissé seul. Tous les jours il lui apporte des fleurs et des reproches ! Enfin aujourd'hui, il a des nouvelles à lui communiquer : Jean, le fils aîné, va venir pour une dizaine de jours et organiser une fête de famille. Les cinq enfants avec conjoints, enfants et petits-enfants. Cinq générations avec l'arrivée toute récent de Loreline sa première arrière petite fille. Certains viennent en caravane, camping car ou des tentes, d'autres logeront chez l'habitant. Pauline a réservé chez Auguste, Lydie est sa grande amie d'enfance. A la maison il n'y aura que Jean, sa femme et les jumeaux restés célibataires. - Ca en fait du bazar ma pauvre Eugénie, et tout ça pour fêter mes quatre-vingts ans !

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  6. Comment voyagerons-nous dans le futur ?

    16 mars 20242 minutes

    Quelles infrastructures dans cinquante ans ? Les actualités sont les mêmes dans tous les journaux : le réchauffement est dû en partie aux transports automobiles. Mais, si les constructeurs ont bien suivi la mode des moteurs électriques et hybrides, qu'en est-il des routes et plus particulièrement de leur revêtement en bitume, asphalte ou autre goudron, tous issus de l'industrie pétrolière ? On peut imaginer un retour aux chemins de terre qui dès le printemps seraient parsemés de tulipes, narcisses et autres fleurs sauvages et seraient bordés d'arbres fruitiers en pleine floraison, incitant, tel un célèbre sous-préfet, à des pauses et à l'écriture de poèmes. Les véhicules utilisés pourraient se déplacer sur des chenilles tout terrain ou sur coussins d'air pour palier aux irrégularités des sols. Pourquoi pas des chars à voile ? Pour les aéroports, eux aussi bitumés, utiliser des tarmacs en terre battue forcerait à privilégier les plus petits avions et à limiter les distances parcourues, ce qui irait aussi dans le sens d'un diminution d'émission de CO2. Les dirigeables auraient-ils une deuxième chance pour remplacer les moyens et les longs courriers ? Il est vrai qu'ils n'ont même pas besoin d'atterrir et peuvent s'amarrer en hauteur sur de grands bâtiments comme l'Empire State Building ! Nos paysages en seraient transformés (suite p10).

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  7. Le monde perdu des Incas

    24 février 20242 minutes

    Machu Picchu (cérémonie XVème siècle)  Lors de l'exposition sur le Machu Picchu, une option en réalité virtuelle était proposée. U peu sceptique, je me suis installée sur le confortable fauteuil et j'ai ajusté le casque qui englobe les yeux et les oreilles. Aussitôt je me suis retrouvée au sein d'une foule bruyante, joyeuse et bien habillée. Chacun, chacune, portait une tunique blanche, plus ou moins brodée et des sandales de cuir. Les hommes étaient coiffés à l'identique (coupe Mireille Mattieu) et les femmes avaient les cheveux tressés en motifs compliqués. Regardant autour de moi, je voyais les habitations cubiques recouvertes de peintures colorées qui s'ornaient d'un quetzacoatl, d'un jaguar, d'un condor et d'autres animaux que je n'identifiais pas. Sur ma droite la jungle luxuriante, sur ma gauche l'immense temple aux innombrables marches lui aussi peint de couleurs vives et pavoisés de drapeaux qui claquaient au vent. Peu à peu le brouhaha des conversations se tarit alors que le son grave de trompes retentissaient. La foule forma, de part et d'autre d'une allée pavée de grands monolithe, une haie d'honneur. Une procession solennelle s'approchait. Tout d'abord les musiciens soit avec de grandes trompes, soit avec des tambours. Leurs tuniques étaient brodées de motifs géométriques turquoise. Ensuite les notables portés par des esclaves sur des chaises ouvragées. Leurs tenues rivalisaient de broderies, ils avaient tous de gros colliers en or et pierres précieuses et une haute coiffe mêlant plumes et joyaux. Derrière ces riches individus, les prêtres défilaient sur plusieurs rangs, portant une grande cape rouge sur leur tunique blanche et tous masqué par une représentation de leur animal totémique. L'officiant, au centre des prêtres, était lui complètement transformé en grand condor : costume de plumes, grandes ailes et masque de jade avec un bec, un magnifique et menaçant couteau d'obsidienne à la main. Enfin des soldats en armures de plaques métalliques, lance à droite et arc à gauche encadraient un tout jeune homme vêtu d'une tunique blanche simple, sans ornement. Souriant bêtement et visiblement drogué, le héros de la fête titubait entre ses gardes. La foule s'était mise à psalmodier un chant entêtant presque hypnotique. La montée des marches par la procession se fit en un instant. Désormais j'étais aux côtés des prêtres, aux premières loges pour le sacrifice. Du haut de l'escalier interminable, la vue sur le quartier résidentiel et sur la jungle environnante était splendide. Je regardais autour de moi avec émerveillement quand le spectacle se termina abruptement. Je me retrouvais brutalement dans le fauteuil muni d'un casque.

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    2. Pérou
  8. Sainte Véronique

    09 décembre 20232 minutes

    Ma sainte patronne est visible dans quasiment toutes les églises : station 6 du chemin de croix. Une femme courageuse s'approche du Christ portant sa croix et lui essuie le visage. En remerciement le visage u Christ s'imprime définitivement sur le linge ! J'aimais bien cette image de femme compatissante et rebelle à la fois et , bien sûr, j'adorais chercher "ma" représentation dans chaque église visitée, sur chaque chemin de croix parcouru. Je tiens à signaler que certaines églises se contentent de croix très sobres marqués du numéro de la station très décevant ! Pendant mes études, j'ai assisté à une conférence sur la Saint Sépulcre de Turin et j'ai découvert avec horreur que la légende de Sainte Véronique était un leurre. Il fallait comprendre Vera Icona pour véritable image et ce prénom permettait de parlait discrètement du fameux suaire ! En plus une datation carbone a révélé que ce suaire était trop récent pour être celui du Christ ! Apparemment une sœur Véronique a été canonisée, j'ai donc bien une saint patronne... Tant pis, je continue de me référer à la légende et à chercher dans chaque église, la station 6 !

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    2. Religion
  9. Migrations

    18 novembre 20234 minutes

    Je suis fatiguée, le voyage a été long. Mais voilà que je reconnais le village avec ses maisons à colombages. En trois coups d'aile, je rejoins ma cheminée. Dans la cour deux petites filles ravies crient, appellent et me montrent du doigt ! Je me sens accueillie. Je replie mes ailes et inspecte le nid : peu de dégâts depuis mon départ, j'en suis bien contente. Dans les jours qui suivent, je consolide de ci de là, tout en guettant l'arrivée de mon compagnon. Toujours il arrive après moi et toujours il craquète à n'en plus finir. Toujours il a un petit cadeau : une grenouille, du duvet ou une belle brindille. Que j'aime l'Alsace au printemps ! Les habitants sont bienveillants, des lacs et des mares sont entretenus rien que pour nous ! J'ai accepté de me laisser baguer, il y a cinq ans et je ne le regrette pas. Désormais je suis attendue, répertoriée. J'ai même vu mon voyage tracé sur ce qu'ils appellent une carte. Ils sont tout émerveillés parce que mon trajet est identique d'une année sur l'autre. Evidemment ! Depuis la première fois où j'ai quitté l'Alsace pour la Grèce, je connais chaque prairie où me poser, chaque point d'eau où me désaltérer ! Mon compagnon n'est pas bagué et ne le veut absolument pas. Chaque année quand mes amis humains escaladent le toit pour baguer nos cigogneaux, il gesticule et craquète jusqu'à ce que vexé, il s'éloigne enfin. Alors que je vais juste me poser sur la cheminée la plus proche et me contente de les observer. Jamais ils n'ont blessé mes bébés : je leur fais confiance. L'été est passé à toute vitesse. Les enfants savent voler et nous avons été copieusement photographiés. Les premiers frimas s'annoncent, il est temps de repartir. Me revoici un an après. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ici pendant l'hiver mais nombre d'arbres sont tombés. Les points d'eau disparaissent sous les débris. Beaucoup de mares sont troubles. De mon nid, il ne reste que quelques traces. Dans cette région bénie, les petites filles m'ont préparé des petits tas de branches et de brindilles. Ces ressources ont été repérées par les autres cigognes dont le nid aussi est détruit. Pas de dispute cependant, l'une après l'autre nous prélevons une branche ou brindille et allons la placer dans le nid avant de venir en chercher une autre. Mon compagnon, toujours méfiant vis à vis des humains est allé chercher en rase campagne de quoi compléter notre nid. Nous avons réussi un bel objet mais je n'ai pu pondre qu'un seul œuf. Il faut bien sûr que je me remplume avant la migration, hélas aux dépends du bébé. Au moment du départ, l'oiselet a encore du duvet et n'est pas capable de voler. Mon compagnon est déjà parti, je suis restée, l'une des dernières et je suis très nerveuse, je ne peux retarder encore mon envol mais comment abandonner mon petit ? Mes amis bagueurs s'en sont aperçus et sont venus le chercher, je les ai suivi jusqu'à ce qu'il le mette dans une cage immense avec abreuvoirs, mangeoires et camarades ! Soulagée, je pique vers le sud à tire d'aile. Encore une année passée, mon nid est intact et la nature a effacé les dégâts de l'année passée. J'entends le chant réjouissant des grenouilles, annonçant les festins à venir. Une à deux semaines après mon arrivée, toujours pas de compagnon. Sans progéniture, j'ai plus de temps pour explorer les environs mais je suis jalouse de tous ces œufs qui éclosent ! Cette fois-ci personne n'est monté sur le toit : pas de bébé à baguer. Je souffre, je suis blessée. J'ai pris mon itinéraire habituel mais en survolant l'Ukraine, plus de champs à perte de vue ou de coquets petits villages : des ruines, des champs brûlés, des gens affamés qui pourraient s'en prendre à nous ! Qui nous ont tiré dessus ! Mon aile gauche est touchée, l'aile droite fatigue et me dévie de ma trajectoire. Je faiblis et me pose de plus en plus souvent sur les poteaux régulièrement espacés le long des routes. Je sens que je n'atteindrai pas mon nid. Pourtant l'air est doux, les nids que je rencontre sont remplis et mes congénères m'encouragent en craquetant à qui mieux mieux. Je n'y arrive plus et m'écrase lamentablement à côté du poteau que je visais. A la limite de l'évanouissement, j'entends un crissement de pneus, des exclamations étonnées. Je sens qu'on me touche, les dernières paroles qui me parviennent sont : "Regarde, elle est baguée, il y a un numéro à appeler".  

    1. Atelier