Dans un studio futuriste, un robot humanoïde aux formes féminines et d'un beau rose irisée sourit aux caméras et annonce d'une voix douce :
- Nous recevons aujourd'hui le célèbre exploranaute Marc Pilariguet qui a accepté de sortir de sa retraite en hibernation profonde pour répondre à nos questions.
La caméra se tourne vers un bel homme dans la force de l'âge, athlétique et souriant.
- Il ne fait pas ses quatre cent cinquante ans n'est-ce pas ?
Modeste, Marc intervient :
- Seulement cinquante ans de vie vécue !
- Vous êtes quand même l'être humain le plus vieux. Aujourd'hui aucun de vos contemporains n'est encore vivant, cela vous ennuie-t-il ?
- Le métier d'exploranaute nécessite une nature profondément solitaire donc non cela ne m'ennuie pas vraiment et puis bien que solitaire je suis sociable et je me fais facilement des amis.
- Reconnaissez-vous la Terre, y retrouvez-vous vos repères ?
- Quels repères ? D'un voyage à l'autre, d'un réveil à l'autre mon environnement change du tout au tout et, du coup, je ne m'attends à rien et donc je ne suis pas surpris.
- Dans l'espace, la Terre et ses terriens ne vous manquent donc pas ?
- En fait, j'ai beaucoup voyagé et ce qui m'a le plus manqué c'est la couleur bleue, le bleu absolument unique de la Terre. Durant les voyages proprement dits, entre deux sorties de caisson d'hibernation, c'est le noir forcément. Le noir absolu et effrayant du vide intersidéral. En effet, dès que l'on quitte notre galaxie, toute étoile est lointaine et n'éclaire pas plus qu'une veilleuse dont les batteries seraient épuisées. Quand aux planètes que j'ai exploré, ayant des atmosphères différentes de la nôtre, elles m'ont permis d'admirer des nuances infinies de jaune sulfureux ou des verts variés et plus ou moins phosphorescents. Le plus souvent des camaïeux de gris dans des brouillards denses où l'étoile la plus proche ne donnait à voir que des ombres mouvantes. Sans oublier mes escales proches de naines rouges dont les cieux crépusculaires ressemblent à l'idée que l'on peut se faire d'un enfer rougeoyant. Croyez-moi, le bleu devient une aspiration grandissante, une obsessions ! De retour sur terre, je ne me lasse pas de contempler le ciel azur sur une mer céruléenne.