J'ai horreur du bruit, en particulier des foules de fans qui hurlent un prénom, à la frontière de l'hystérie ! Et cette répulsion n'est pas neuve. Je devais avoir quatre ou cinq ans quand je me suis retrouvée, assise sur un banc, dans un espace petit et clos, face à un théâtre de marionnettes où un Guignol grotesque ignorait, tout d'abord, les cris enfantins puis demandait leur répétition en jouant celui qui ne comprend pas. Il se retournait à contretemps et mettait, du coup, en doute la parole des jeunes spectateurs qui ne s'en époumonaient que plus fort ! Sûrement par mimétisme et prise dans l'ambiance, je devais unir ma voix à la cacophonie ambiante mais réellement je n'en gardais pas un bon souvenir ! Plus tard, j'évitais soigneusement ces lieux de perdition mais même à l'extérieur, dans le jardin du Luxembourg notamment, la frénésie sonore m'effrayait. Et pourtant, j'ai eu l'occasion d'assister à un délicieux spectacle de marionnettes à fils, d'une grande poésie et d'un calme réconfortant. Il s'agissait d'une adaptation du voyage en quatre-vingt jours et les costumes exotiques des différentes contrées traversées étaient d'une grande beauté. Par ailleurs, pendant mes études à Lyon, patrie de Guignol, je suis allée voir, dans un petit théâtre au milieu des traboules, une séance, destinée aux adultes, de ce héros mythique. Ici, pas de cris et une intrigue plus fine, politique en fait. Les railleries, pour initiés, visaient les élus et les notables lyonnais, un peu façon cabaret.
Plus tard je suis devenue parent, mais je n'ai jamais amené mes enfants voir Guignol. Je ne m'en sentais pas le courage. Ils ont eu quelques occasions, avec une tante, lors d'une sortie avec le centre aéré. Ils sont revenus, à chaque fois, enchantés et semblaient convaincus qu'ils avaient effectivement aider Guignol à échapper au gendarme et à rosser Gnafron. Je n'ai pas démenti.
Aujourd'hui, je suis grand-mère et, ne voilà-t-il pas que ma fille, suite à un empêchement de dernière minute, me demande d'accompagner la sienne à un théâtre de marionnettes ! J'y suis allée. Guignol était remplacé par un ours en peluche qui avait volé du miel et était poursuivi par un apiculteur. Les enfants hurlaient pour indique à l'ours l'arrivée de l'ennemi, l'ours n'entendait pas, se retournait à contretemps...Universalité et intemporalité. Joie de ma petite-fille et sourire crispé de ma part…
Tant pis pour mes autres petits-enfants, je n'y retournerai pas.