Démasqué
16 janvier 20164 minutes
Démasqué
16 janvier 20164 minutes
Il était une fois, dans un royaume lointain, un roi et une reine qui dirigeaient leur pays avec sagesse et élevaient leur deux fils avec bonté. Les us et coutumes voulaient que Giraud, l’aîné, hérite du royaume, alors qu'Armand, le cadet, devait aller de par le vaste monde trouver une riche héritière. Les deux frères s'entendaient bien et partageaient tout.
Lors d'un hiver particulièrement rigoureux, le roi chevauchait dans l'une de ses forêts quand il vit une meute de loups affamés attaquer une licorne. N'écoutant que son courage, il combattit les loups et sauva la créature magique. Reconnaissante, la licorne ramena le souverain mortellement blessé au château et offrit à la reine un morceau de sa corne, doté d'une magie puissante. Le roi mourut quelques jours plus tard.
Après la période de deuil, l'aîné proposa à Armand de gouverner à deux. Le cadet refusa, élevé avec le projet de parcourir la terre, il avait hâte de partir ! Son frère lui donna de l'argent, des armes, des habits et voulait même lui fournir une escorte, mais, fort de sa jeunesse et de son inexpérience Armand partit seul. La reine inquiète et prévoyante avait caché, en guise de porte-bonheur, le morceau de corne magique dans une vieille paires de bottes qu'elle avait ajouté discrètement au paquetage.
Durant les premiers mois, Armand voyagea comme... un prince ! Dans chaque village, aussi insignifiant soit il, on l'accueillait par un banquet, une fête, un tournoi et toujours on le logeait dans la meilleure chambre.
Ensuite... Il quitta le royaume de son frère et la situation se compliqua. Désormais les paysans étaient méfiants, cachaient leurs filles et leurs richesses, lui faisaient payer hors de prix le moindre quignon de pain, le plus infâme réduit insalubre ! Finalement en traversant un bois sombre, une bande de brigands l'attaqua et le dépouilla de son cheval, son argent, ses armes et ses habits ne lui laissant que ses chaussures et une vieille paire de bottes.
A pied et en haillons, il rejoignit la capitale. Les citadins se moquaient de lui à chaque fois qu'il racontait ses mésaventures et aucun n'ajoutait foi à ses dires sur ses origines princières. Dépité il chercha du travail et devint palefrenier au château.
Il était plutôt heureux, le Grand écuyer le traitait avec amitié et il adorait s'occuper des chevaux. Il avait toujours le vague projet de prévenir son frère pour retrouver son rang, mais il était jeune et insouciant et dépensait sa solde aux cartes ou en taverne avec de joyeux compagnons de son âge. Parmi les montures dont il s'occupait, sa préférée était une jolie pouliche fougueuse destinée à la princesse, unique enfant du couple royal. La princesse ne savait pas monter mais venait régulièrement aux écuries pour exhiber ses dernières toilettes. Elle tomba rapidement amoureuse de cet étrange palefrenier, cultivé, courtois et respectueux des usages de la cour. Hélas cette princesse était fort laide et capricieuse de surcroît ! Armand s'efforçait de l'éviter mais quand il la rencontrait, il ne pouvait que se montrer respectueux du fait de sa position de domestique. Quand la jeune femme amena ses parents à l'écurie en exigeant d'épouser le palefrenier, on ne sut qui des parents ou du jeune homme était le plus ennuyé ! Les parents n'ayant jamais rien su refuser à leur fille, se préparer à accueillir un roturier dans leur famille tandis qu'Armand cherchait un moyen de s'enfuir.
Le Grand argentier avait pour projet de marier son benêt de fils à l'héritière et faire main basse sur les richesses du royaume. Aussi il se rapprocha du fiancé, l'écouta, se montra compatissant et finit par lui proposer de l'aider à s'échapper. Le plan était de feindre un début d'incendie et de profiter de la panique pour s'enfuir. Armand se contentait de laisser l'accès aux écuries ouvert et le Grand Argentier s'occuperait du reste. Ainsi Armand omit de verrouiller les portes soir après soir en attendant impatiemment son heure tant la princesse devenait pressante ! Enfin, un soir, le Grand Argentier mit le plan à exécution. Avec un petit changement, il commença par fermer à double tour le logement du palefrenier ! Par chance Armand n'utilisait pas ce logement et dormait dans une stalle libre avec les chevaux. Les hennissements de ceux-ci l'avertirent juste à temps, le feu avait déjà bien pris. Il n'eut que le temps d'ouvrir les portes, saisir ses quelques hardes, sa vieille paire de bottes et sauter sur le dos de la pouliche fougueuse. Tous les autres chevaux le suivirent.
Au matin pour ne pas être accusé de vol, il revint sur ses pas avec le troupeau complet. Il fut accueilli en héros ! Le Grand Argentier s'était pris les pieds dans sa robe de chambre et on l'avait découvert, carbonisé, une torche à la main.
Il sauta de cheval pour saluer ses suzerains mais poussa un léger cri de surprise, un objet le gêner dans sa botte droite. Il le retira et le morceau de corne se mit à briller et à grandir jusqu'à avoir la taille d'un sceau royal, révélant l'identité d'Armand. La joie des parents n'eut d'égale que celle de leur fille ! Les préparatifs furent rondement menés et le mariage eut lieu en grande pompe au grand dam d'Armand et à la perplexité de son frère Giraud.
Morale : pour vivre heureux, vivons cachés !