Sur un collage de Max Ernst
07 décembre 20243 minutes
Sur un collage de Max Ernst
07 décembre 20243 minutes
"Envoyez le cheval chercher les fleurs à l'épicerie" m'a demandé monsieur le curé. J'y suis allé mais ne suis jamais arrivé ! Au bord de la rivière un hippopotame a effrayé ma monture qui s'est cabré en hennissant ce qui a effrayé le pachyderme qui a sauté à l'eau dans un immense plouf ! La gerbe d'eau qui en a résulté, s'est irisée en un double arc-en-ciel et m'a copieusement arrosé ! Meurtri par ma chute, trempé , j'ai de plus reçu quelque chose dans l'œil. Je me suis alors adressé aux deux personnes sorties de leur plantation suite à toute cette agitation.
- j'ai une poussière dans l'œil, pouvez-vous m'aider ?
- Je vois l'univers entier dans votre pupille et les chevaliers de l'apocalypse qui arrivent au galop.
s'écria la femme en tournant théâtralement la tête. Son fils s'approcha à me toucher et voulut écarter ma paupière de ses doigts sales. Je l'en empêchais vivement en retenant sa main !
Alors que mon cheval s'était calmé et s'abreuvait à la rivière sous l'œil rond et méfiant de l'hippopotame, les cris hystériques de la femme poussa l'un à s'enfuir et l'autre à plonger, m'éclaboussant derechef !
J'écartais avec colère ces deux individus si peu secourables et partis en boitillant à la recherche du cheval. Je voyais sa silhouette s'éloigner vers le coude de la rivière. J'hésitais sur la conduite à tenir quand un mouvement sur la rive m'alerta et je retournais vers la piste en courant pour m'éloigner du crocodile qui, heureusement, n'insista pas et se remit à chauffer au soleil. Me repérant aux termitières géantes qui balisaient le chemin telles des sentinelles, je marchais vers le village de l'épicier-fleuriste dans un état second. Les couleurs ondoyaient sous le soleil brouillant les formes. Des sortes de feu-follets bariolés m'entouraient dans une cacophonie de sons aigus sous tendus par un battement sourd et régulier. Je me résignais à échouer dans ma mission de ramener les fleurs en sentant que je devenais de plus en plus léger, jusqu'à m'envoler haut dans le ciel. De là je vis la procession qui attendait les fleurs et m'approchant je me retrouvais pile au-dessus des participants vêtus d'aubes au blanc éblouissant en contraste parfait avec leur peau noire. J'entendais les psaumes scandés à haute voix sur le rythme légèrement dissonant des tam-tam. Puis tout se dilua dans un silence profond et une nuit absolue. Avant que je ne m'inquiète de cette absence totale de sensation; l'ouïe me revint en identifiant des appels "Monsieur ? Monsieur ?" puis le toucher en sentant le sol dur et frais sous mon dos, l'odorat m'apporta des senteurs sucrées et enfin la vue me révéla des visages anxieux et compatissants. Une femme me tendit une demi noix de coco où je me désaltérais. Je n'avais aucune idée de l'endroit où j'étais et encore moins comment diable avais-je pu y arriver. Manifestement j'étais dans une case en paille or aucune de ces construction de sauvage n'était autorisée dans l'enceinte des villages coloniaux. Je ne pouvais qu'en déduire que je n'étais pas dans un village. Je voulu me lever mais la tête me tourna et perdis connaissance.
Je me réveillais à nouveau, à l'ombre, le soleil aussi haut dans le ciel qu'à mon départ, mon cheval attaché à une branche et chargé de brassées de fleurs magnifiques et sauvages (en aucun cas en provenance d'un fleuriste) à deux pas du village quitté le matin même ?