Voyage autour de ma chambre

16 novembre 20242 minutes

Mauvaise blessure. Me voici immobilisée au fond de mon lit. La fièvre modifie mes perceptions ! A chaque fois que je me tourne vers ce que je pense être la fenêtre, je vois deux soldats géants, façon casse-noisette,  qui empêchent à  quiconque d'entrer. Leurs uniformes sont bleu nuit comme mes doubles rideaux… Au réveil suivant, la douleur est lancinante, je n'ouvre pas les yeux. Des éclairs rouges et or se succèdent sous mes paupières. Sûrement les flammes d'un dragon dont je sens aussi la chaleur. Je compte sur les deux soldats pour le combattre et le vaincre. Maintenant, tout est calme. Ni dragon, ni douleur. J'ouvre les yeux et redécouvre ma chambre et les rideaux ressemblent ... à des rideaux ! Sur le mur face au lit, une peinture d'une ruelle de Collioure, en été. Je sens l'odeur des fleurs fraiches dans l'ombre et la saveur iodée de la mer. J'entends des enfants rires et des adultes parler de façon enjouée, je sens la chaleur du soleil se répandre dans mon corps qui s'engourdit… Je me réveille à nouveau, la douleur est revenue. Je me concentre sur mes draps où des carrés de couleurs vives dessinent, je le sais, la silhouette de la tour Eiffel. Mais ces carrés multicolores me rappellent l'éléphant Elmer des livres d'enfants. Je me vois marcher à côté de lui et passer de page en page en rencontrant d'autres animaux tout aussi colorés, ouistiti et hippopotame et deux pages plus loin son ami, éléphant lui aussi mais composé de carré noirs et blancs, nous accueille. Impossible de me souvenir de son nom, je cherche dans mes souvenirs et m'endors à nouveau sans avoir la réponse. Au réveil suivant, j'ai enfin l'esprit clair et la douleur est tout à fait supportable. La fenêtre est ouverte et je respire à plein poumons les senteurs printanières. J'entends deux personnes arriver. Quand elles ouvrent la porte je constate qu'il s'agit d'une infirmière e de ma fille, devant mon sourire d'accueil, elles s'exclament en chœur : " De retour parmi nous ?"

Combien de temps ai-je voyagé aux confins de la conscience, jusqu'où m'ont emmené l'imagination et la souffrance ?

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    04 novembre 20243 minutes

    Les vaques de souffrance alternent avec des blancs comateux. au bout d'un moment non mesurable, la douleur change : moins intense, plus présente. Je reste dans un espace rêvé, flou. Derrière moi des souvenirs radieux : une brise légère, l'odeur de l'herbe fraichement coupée, le ciel azur parsemé de flocons blancs aux formes fantastiques, entrecoupés de fièvres soudaines et de soins douloureux. peu à peu ma situation se précise : cloué au lit, perfusé, attaché, momifié par une multitude de bandelettes et isolé sous une tente stérile. Je prends ensuite conscience des soignants, silhouettes anonymes uniformément vêtues bleus aux gestes sûrs, aux regards tantôt compatissants, tantôt inquiets. Je dors beaucoup. Quand je suis éveillé des visions lacunaires me traversent : des lieux, des visages. Peu à peu mes pensées se structurent et j'identifie certains lieux : chambre, salle de classe, jardin, bus et je reconnais les visages : maman, Coralie, Paul, monsieur Denis... Je ne veux pas savoir. Je voudrais dormir en continu mais mes réveils sont plus fréquents et plus longs, la souffrance toujours présente me laisse des répits angoissants. J'aurais voulu ne pas savoir. Maintenant je revis en permanence l'explosion brutale suivi du fracas des murs qui s'effondre, je sens en continu la chaleur des flammes, la brulure sur ma peau. Je hurle sans le moindre son et me débats sans le moindre mouvement. Seule les injections de calmants me permettent de rejoindre un néant bienvenu. Encore un sommeil artificiel, encore un réveil désespéré dans un corps qui souffre et un esprit qui pleure. Cette fois-ci, un changement important : j'entends à nouveau. Je ne pense pas que ce soit un progrès. Les bruits de succion de certains appareils, les bips de certains autres et surtout, surtout, les questions des soignants. Je voudrais retrouver ma bulle de silence où seul mon corps se manifestait et où mon esprit tenait la réalité à distance. La personne qui est venu me parler était la première à ne pas porter de masque et pourtant je me suis dépêché d'oublier son visage mais je n'ai pas pu oublier ses mots.  Je sais la maison détruite, mes parents et mon frère morts. Finalement je préférais la douleur à la tristesse. Ils voudraient que je communique grâce à un stylet que je pourrais manipuler de la main gauche moi qui suis droitier. Je m'y refuse et, depuis que j'en suis capable, je tourne la tête et je ferme les yeux. Coralie entre dans la chambre, je reconnais son parfum. Elle me regarde avec tendresse et je ressens une onde bienfaisante sur mon corps blessé ou sur mon âme meurtrie, ou les deux. Elle reste à mes côtés sans parler, juste en me souriant jusqu'à ce qu'une infirmière lui demande de sortir. Elle me chuchote : je reviendrai. Et tout à coup je ne veux plus subir, je veux guérir. Là je ne peux ni parler, ni bouger mais je vais récupérer (depuis que les kiné, médecins, ergothérapeutes et autres rééducateurs me le serinent). A la prochaine visite, je lui sourirai. Ce sera mon premier combat !

    1. Atelier
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    07 octobre 20242 minutes

    Dans l'anonymat des transports en commun, je me fonds. Chacun, dans sa bulle, s'ignore autant qu'il le peut. Dans le brouhaha de la pause café, je me détends, banalités du quotidien. Dans la réunion qui suit, je m'impose, je dirige, je décide. Téléphone ! S'adapter à son interlocuteur : "Bien sûr cher client". Solitude relative du bureau, échanges de mails formels, attendus. Discussion animée autour d'un film controversé, rester neutre, poli, gommer les aspérités. Partir. Respirer, soupirer, envie de s'étirer. Les métros du soir sont plus lourds de toutes les journées écoulées, de tout ce qui a été ou pas. Regrets et satisfactions mêlées. Rires, joie, retrouvailles : "Je t'ai fait un dessin". Moments baignés de gaieté et de sourires. Dans la pénombre de la chambre et la tendresse de l'histoire du soir : calme et sérénité. La porte s'ouvre et je deviens autre, épouse cette fois. Chaque jour le me perds dans la mosaïque de ma vie.

    1. Atelier
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    14 septembre 20243 minutes

    3- Je me souviens de ma première motivation pour lire, je voulais savoir ce qui était écrit dans la rue : le nom des magasins, les publicités, le nom des rues… Quelle difficulté j'ai eu à déchiffrer puis à comprendre l'enseigne "Coop". Le concept de magasin coopératif était un peu compliqué à 5 ans. Et la surprise de découvrir dans les tunnels du métro la litanie "Dubo", "Dubon", "Dubonnet" ! A l'époque il m'était plus facile de lire à voix haute au grand amusement des autres passagers. Plus tard, en cours, le professeur était soit trop rapide pour ma compréhension, soit trop lent pour ma concentration. Heureusement la lecture me permettait d'apprendre à mon rythme. Encore aujourd'hui, surtout aujourd'hui, les informations se bousculent et s'effacent d'un jour à l'autre, dune actualité à l'autre. Alors j'attrape des bribes et j'utilise internet pour accéder à des articles de fond pour approfondir tel ou tel sujet. Tout dernièrement, avec les Jeux olympiques à Paris, ou plutôt paralympiques, j'étais intriguée par les mécanismes de sélection et de compétition. Peut-on faire concourir aveugles et borgnes ensembles ? Quelqu'un qui n'a qu'un bras avec quelqu'un qui n'en a pas ? Mes lectures m'ont montré la complexité du problème. La classification comporte une à deux lettre pour le sport et un ou deux chiffres pour le niveau de handicap. Les lettres font référence au nom du sport en anglais. Ainsi, les nageurs concourent en catégorie S (« swimming ») et les avironniers en PR (« para rowing »). Les chiffres renvoient, eux, au degré de handicap. Plus il est petit, plus le geste sportif est limité. Un basketteur classé à 4,5 a plus de capacités fonctionnelles qu’un joueur à 1. Dans les sports collectifs, les équipes ne doivent pas dépasser un total de points établi. Un examen médical permet d’évaluer l’impact du handicap sur les performances de l’athlète et de leur associer une catégorie, afin de favoriser l’équité. 4- Je ne relis pas souvent les livres déjà lus. Comme je privilégie les romans et parmi eux, les ouvrages policiers ou à suspense, les relire présente moins d'intérêt!; je connais déjà la fin et les rebondissements. Souvent, si deuxième lecture il y a, je relève une ou deux incohérences. D'autre fois, par contre, je repère les indices disséminés par l'auteur et admire la construction de l'intrigue. Il me semble que la poésie permet plus facilement des lectures répétées, le choix des mots et la musicalité des phrases apportant une émotion renouvelée. Ainsi, un livre que je relis, à chaque fois avec plaisir, c'est "le petit prince". D'une lecture à l'autre, c'est l'allumeur de réverbères ou le comptable, ou un autre qui vont retenir mon attention. Bien entendu, je suis très vigilante quand aux éventuelles pousses de baobab que je pourrais détecter dans mon jardin. Je m'efforce quotidiennement de voir avec mon cœur et le renard apprivoisé et mon personnage préféré. Ce livre peut être lu très jeune et relu tout au long de sa vie, l'expérience personnelle modifiant notre sensibilité au texte. La perte d'une personne chère donne plus d'acuité au départ du Petit Prince et d'importance au scintillement des étoiles.

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    14 septembre 20242 minutes

    1- La lecture est synonyme d'évasion. Elle permet de vivre des moments hors du temps, hors du lieu ! Il m'est arrivé de lire un roman pluvieux pour m'apercevoir, après, que le soleil brillait dans la vraie vie ! La lecture est synonyme de confort. Un canapé ou un fauteuil, dans un jardin ou sur la plage, les heures passent. Quand j'arrête de lire c'est un peu comme un réveil, je m'étire, regarde l'heure (déjà !). La lecture est synonyme de savoir. Des manuels scolaires aux encyclopédies, des rapports scientifiques aux vulgarisations, des magazines d'information aux magazines spécialisés, on peut tout apprendre. La lecture est synonyme de partage. Partage d' l'auteur avec ses lecteurs, partage des personnages entre eux et avec nous, partage entre les lecteurs. 2- La première lecture qui m'a marqué est la série des Petitou, dans la collection Rouge et Or. Il s'agit d'un petit nain à la longue barbe blanche qui vit dans un trou de souris à Copenhague, dans un appartement où vivent le papa, la mama, , le garçon et la fille sans prénom, ce ne sont pas eux les héros. Je me souviens encore de la nuit où Petitou et les souris ont collé des petits bouts d'ouate sur le village en carton fabriqué par les enfants pour les émerveiller le lendemain. Ou quand enrhumé, il décide de prendre une pastille pour la toux et se retrouve collé à plusieurs d'entre elles jusqu'à ne plus pouvoir bouger. Heureusement le chat de la maison a accepté de les sucer pour délivrer le nain ! J'attendais avec impatience les occasions, Noël, anniversaire, pour obtenir le tome suivant. Je les avais tous avant que, l'âge aidant, je passe à d'autres livres. J'en ai lu à mais enfants mais ils n'ont pas accroché et aujourd'hui je ne les ai plus.

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  5. Le dix mai, à sainte Austreberthe

    27 avril 20242 minutes

    Le dix mai, à sainte Austreberthe, jour de la fête patronale, une brocante réputée s'y tient. J'étais donc parti pour ce village dès le petit déjeuner avalé. Ma voisine m'avait vanté cette brocante qui, d'après elle, abondait en occasions à saisir. Hélas cette information s'est révélée fausse. Des bibelots élégants et rares étaient bel et bien exposés mais à des prix prohibitifs dépassant largement le budget que j'avais prévu. Ceci dit je ne regrettais pas la balade. Le soleil brillait et, en ce début de printemps, la fragrance des lilas embaumait l'air. L'un des exposants était un antiquaire notable de la région et les badauds s'y agglutinaient. Je me frayai un passage et découvris l'horloge comtoise que je cherchais depuis longtemps. Je pris le risque d'aller déjeuner, espérant qu'en fin de journée les négociations seraient plus faciles. Et effectivement, vers dix-sept heures, le stand était plus accessible. Après d'âpres discussions, j'obtins l'objet convoité pour deux cents euros ! et c'est seulement quand je voulus l'emmener que je me rappelai que j'étais venu à bicyclette.

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