Attention au départ

13 mai 20233 minutes

Presque tous les ans, nous nus retrouvons entre amis de la même promo, celle de mon mari pour être exact. Comme souvent le group initial s'est constitué sur des points communs forts. En l'occurrence, tous les garçons sont fils d'agriculteurs (ou assimilé pour le fils du garde forestier). Ils viennent des quatre coin de la France : des Pyrénées au Nord, de la Bretagne à la Bourgogne sans oublier l'Ardèche ! En général, nous louons un gîte dans l'une des régions précitées et le régional de l'étape prévoit des activités : baignades, vélo, village pittoresque, marché local,... Au fur et à mesure le groupe s'est enrichi de femmes et d'enfants. L'alchimie a bien fonctionné et nous étions souvent plus d'une vingtaine ! Les enfants ont évidemment modifié les activités et, souvent, les plus sportifs partaient ensembles tandis que les autres s'occupaient des plus jeunes. Tout ce petit monde se retrouvait aux repas joyeux, bruyants et bien arrosés. Une année, un groupe partit à vélo tôt l matin, les autres moins pressés, prenant un petit train omnibus sympathique. Si je me souviens bien, nous étions cinq adultes pour onze enfants étagés de six mois à dix ans. Quand le train s'arrêta à la petite station où nous devions descendre, le désordre fut à son comble. Quelques adultes étaient descendus puis les enfants et je vérifiais que nous n'avions rien laissé avant de descendre à mon tour. Un doudou malicieux caché sous une banquette me retarda… un peu trop ! J'entendis le sifflet du chef de gare, les portes claquer et le train s'ébranla en grinçant. Sur le quai, je vis l'air ahuri des adultes, hilare des enfants les plus grands et paniqué des 2 miens. Je n'étais pas inquiète pour eux, ils étaient en bonne compagnie. Cependant, je me demandais comment j'allais pouvoir rejoindre mes amis et d'ailleurs, je ne savais même pas quel était le prochain arrêt. Je cherchais donc le contrôleur, introuvable ! Les quelques passagers étaient des habitants du coin et ils s'étaient beaucoup amusés de notre compagnie et plus encore de ma mésaventure. Ils me renseignèrent avec une gentillesse légèrement railleuse. Comme ce petit train s'arrêtait souvent, je pus descendre à...trente kilomètres de la station précédente. Un jeune collégien, attendu par ses parents, proposa de me ramener dans la bonne direction sur douze kilomètres. De plus une fois arrivé dans sa ferme, il promit d'appeler le restaurant où nous avions réservé. Dix-huit kilomètres à pied, c'était faisable mais il me faudrait beaucoup de temps… et j'aurais faim ! Je remerciais le jeune homme et sa mère et me mis en route (en même temps je n'vais pas d'autre choix). Serrant le fameux doudou dans ma main, je marchais depuis un peu plus d'une heure, quand une voiture qui arrivait en face, s'arrêta à ma hauteur. La conductrice connaissait bien René, le local de notre bande, et avertie par la restauratrice, elle était venue me chercher. Quand j'arrivai au restaurant, sans trop de retard, un hourra m'accueillit, les enfants se précipitèrent vers moi et l'hôtelier m'offrit l'apéritif !

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Histoires similaires

  1. Singulier mystère que le souvenir

    26 février 20233 minutes

    Singulier mystère que le souvenir. J'avais un voisin qui me disait des choses absurdes. Voilà qu'un jour il m'explique le plus sérieusement du monde que son tas de bûches est infesté d'elfes ! Et pas n'importe quels elfes : des elfes forestiers ! J'exprime une vague compassion de politesse et me sauve. Après tout il m'avait déjà parlé des elfes jardiniers dont il n'avait pu se débarrasser qu'en arrachant toutes ses fleurs et des elfes d'eau douce qui avaient envahi son plan d'eau qu'il avait dû vider ! Tous ces souvenirs me sont revenus ce matin quand j'ai entendu des petites voix aigues et malveillantes sortir de mon tas de bois tiré au cordeau sous l'appentis. Trop aigues pour être intelligibles mais très gênantes ! Un peu perturbée par ces piaillements et ces réminiscences, je secouais la tête, pris les bûches dont j'avais besoin et rentrais à la maison. En novembre quoi de plus réconfortant qu'un bon feu dans la cheminée. J'empilai papier petit bois, brindilles et bûches puis craquai l'allumette. En même temps que les flammes prenaient de l'ampleur en ronflant, je vis, ou crus voir, une étincelle sauter hors du foyer et filer dehors en passant par la chatière. Je décidai que j'avais beaucoup d'imagination et me fit un thé. Malgré une nuit sans rêve et reposante, j'hésitais à retourner vers mon tas de bois. Avais-je vraiment besoin d'une flambée chaque jour ? J'essayais de me souvenir de mon voisin farfelu, il parlait souvent des elfes, de leur vie en petite tribu, de leur nomadisme, de leur espièglerie. Je ne savais plus si il avait réussi à se débarrasser aussi des elfes forestiers. Quand ma fille vint me voir le dimanche, je prétextais un peu de fatigue pour qu'elle m'apporte des bûches jusqu'à la maison. Elle revint avec une dizaine de bûches et une contusion à la main. En riant, elle maudit sa maladresse : "une bûche m'a échappé, on aurait dit qu'elle était vivante". Cela ne me rassura pas du tout ! Après son départ, je me mis à entendre de nouveau ces petites voix aigues, paniquée, je me dis que ma fille avait dû ramener des elfes en même temps que les bûches. Maintenant je regrettais de ne pas avoir écouté un peu plus mon voisin, peut-être m'avait-il confié comment éloigner les elfes mais hélas impossible de m'en souvenir. Je craignais aussi pour ma santé mentale, je n'avais parlé à personne de mes ennuis ! Je cherchais dans mes papiers tous ceux qui concernaient la période où j'avais habité là-bas, près de la forêt. Je finis par trouver le numéro de téléphone de mon ancien voisin. Il n'était pas si tard, je pris mon courage à deux mains et l'appelais. Au début la conversation fut un peu laborieuse, terriblement polie. Je finis par aborder, avec force circonvolutions, le sujet des elfes. Il éclata d'un rire joyeux. Vous avez dû me prendre pour un fou avec ces histoires d'elfes, non ? Non, pas vraiment, tant de choses sont inexpliquées… Ah mais là, on a eu l'explication, tellement bête, tellement prosaïque Ah oui, c'était quoi alors ? Mon appareil auditif ! Quand les piles arrivaient en fin de vie, des acouphènes se produisaient. Comme c'est toujours mon fils qui vérifiait l'état des piles et les changeait au besoin, j'ai mis du temps à faire le lien. A nouveau, il rit. Je pensais alors que j'avais depuis peu un appareil acoustique moi aussi et que je ferais peut-être bien de vérifier l'état des piles ! Evidemment, je n'en dis rien à mon ancien voisin et concluais la conversation de la façon la plus polie possible.

    1. Atelier
  2. Retrouvailles

    28 janvier 20234 minutes

    Dans ma famille la musique a toujours eu une place importante. Mon père jouait du violon dès son réveil. Il travaillait au grand orchestre de Prague. C'est d'ailleurs là qu'il y avait rencontré ma mère, flûtiste. Evidemment avec quatre enfants, elle ne jouait plus en orchestre mais elle découpait ses journées de façon à s'entraîner au moins une fois le matin et une fois l'après-midi. Tous les soirs, des amis, des collègues venaient à la maison et des concerts impromptus nous berçaient … ou nous réveillaient ! Tous les quatre, nous savions déchiffrer une partition avant de savoir lire. Les deux filles voulaient devenir flûtistes et, mon frère et moi, violonistes. Evidemment. Quand à la fin de la saison, le grand orchestre fermait pour un mois, nous allions de festivals en festivals, hébergés par des musiciens de rencontre ou dormant à la belle étoile. Lors de la chute du communisme, les subventions d'état s'arrêtèrent net. Mon père chercha un emploi de professeur ou d'accompagnateur. Il était même prêt à jouer dans les restaurants pour touristes mais les tziganes avaient le monopole de cette musique là. Tous les jours, il partait tôt pour chercher un engagement et rentrait tard quand il avait eu la chance de trouver quelque chose. Un soir, il ne rentra pas. Le dimanche suivant, je découvris avec horreur, le violon de mon père en vente au marché sauvage où nous cherchions à nous ravitailler et à céder nos dernières possessions : meubles, habits, partitions. Ma sœur ainée avait trouvé un petit ami allemand avec lequel elle partit en février. La semaine suivante, nous fumes expulsés. Nous trouvâmes un refuge dans une ruelle derrière l'opéra, à l'abri des courants d'air. Ma mère et ma plus jeune sœur affaiblies allaient chercher de l'aide là où elles pensaient retrouver des musiciens. Mon frère et moi avions pris de mauvaises habitudes entre mendicité et larcins et pourtant c'est nous qui arrivions à nourrir la famille ! Je n'avais pas oublié le violon de mon père et tous les dimanches, je vérifiais qu'il était encore à vendre. C'est ainsi qu'en avril, j'assistais à sa vente. Je suivis l'acheteur jusque chez lui puis je courus retrouver mon frère qui mendiait à l'entrée d'une boulangerie. Nous montâmes un plan, un cambriolage, pour récupérer le violon. La nuit venue, nous escaladâmes le mure de la propriété et je cassai la petite fenêtre des toilettes et hissai mon frère jusqu'à l'ouverture. La faim l'avait rendu assez mince pour qu'il s'y glissât. Il revint rapidement avec l'instrument et me le passa. Par contre, il était trop petit pour atteindre la fenêtre depuis l'intérieur ! Nous aurions dû y penser plus tôt. Je lui conseillai de passer par la porte d'entrée où j'allai l'attendre. J'attendis au creux d'une porte cochère toute la nuit et une grande partie de la journée. Je vis des gens sortir et rentrer mais pas de petit frère ! Je retournai à la ruelle pour expliquer la situation à ma mère et ma sœur mais elles avaient disparu ainsi que nos quelques biens (des cartons, des sacs et la flûte dont maman ne se séparait jamais). Avaient-elles été arrêtées ? Avaient-elles trouvé un autre refuge ? Du haut de mes dix ans, j'étais perdu. Je cachai le violon et retournai à la maison où je sonnai. A la fois déterminé et désespéré, je m'engouffrai dans la maison dès qu'une femme assez jeune ouvrit et appelai Jean à tue-tête. Aucune réponse et le maître de maison me sortit manu militari et me menaça de la police. Pendant plusieurs jours, je parcourus la ville à la recherche de ma famille. J'allais me renseigner aux hôpitaux, à la Croix-Rouge, au marché sauvage mais rien. J'espionnais aussi souvent que possible la maison où mon frère était entré mais rien non plus. Je pris l'habitude de jouer aux sorties des messes et Dieu sait qu'il y a beaucoup d'églises à Prague ! Un été une formation de musiciens français m'adopta, je jouais avec eux, vivais avec eux. Enfin je n'étais plus seul. Quand ils repartirent en France, je les suivis sans aucun papier. J'avais quinze ans. les uns e les autres m'aidèrent, à apprendre le français, à acquérir la nationalité française. Ils me trouvaient toujours un engagement par ci par là mais sans diplôme ma position restait précaire. Heureusement que j'avais le talent et le violon de mon père ! A force de démarches, je réussis à obtenir un emplacement dans le métro l'année de mes vingt ans. L'été cela me rapportait pas mal. Un jour où j'enchainais les airs de ma jeunesse, parfois sans en connaitre ni l'auteur, ni le titre, un jeune homme s'arrêta pour écouter et finit par pleurer. Il attendit la fin du morceau pour me prendre dans ses bras. C'était Jean ! Mon frère ! Il ne parlait pas un mot de français et mon tchèque était rouillé, nous échangeâmes nos nouvelles en anglais. Sa vie avait été plus douce que la mienne. Le couple de la maison que nous avions cambriolée, l'avait adopté et élevé sans jamais abordé le sujet du violon. Il se préparait à devenir comptable comme son père adoptif et ne voulait plus pratiquer la musique. Finalement, je me demandais qui de nous deux avait eu le plus de chance.

    1. Atelier
  3. De mon temps...

    18 octobre 20223 minutes

    A passée cent ans, les journées sont courtes. Avec le temps et l'énergie qu'il me faut désormais pour les actes simples, je suis souvent fatiguée une fois habillée, lavée et ayant déjeuner, alors je somnole et repasse en revue mes souvenirs. Cent ans de souvenirs. Aujourd'hui, ma petite fille est venue pour fêter les rois avec son mari et ses enfants. Après ce repas plus copieux que d'habitude, je sens que je somnole un peu. Soudain, coupure internet : catastrophe ! Mes arrières petits enfants râlent et rouspètent à qui mieux mieux. Ils ne savent pas quoi faire, désœuvrés ils se rappellent de mon existence. - Mamy, comment tu faisais pour rencontrer tes amis quand il n'y avait ni internet, ni téléphone ? -Déjà, le téléphone existait même à mon époque ! Quand les premiers appareils mobiles sont apparus, on différenciait téléphone fixe et mobile. Tiens Max, regarde en bas du placard et prends l'objet noir en bas à gauche. Il sort avec ahurissement un bon vieux combiné à cadran et le pose avec appréhension sur la table. - Heu, c'est un téléphone ça ? Comment on choisit le numéro que l'on veut appeler ? - Reconnaissance vocale, lance Eve, sa sœur. Qu'ils sont rafraichissants ! Je leur mime un appel en décrochant l'écouteur et en tournant le cadran pour chaque chiffre. Je tends le petit écouteur rond à Eve en lui annonçant : - Fonction haut parleur de l'époque ! Ils rient et numérotent chacun leur tour en imaginant des conversations amusantes. Une fois la nouveauté passée, ils m'interrogent à nouveau : - Mais il n'y a pas de fonction GPS sur ton téléphone noir ! s'exclame Eve - Et pas de prise usb pour la voiture non plus, renchérit Max. - Alors comment vous faisiez pour aller à un endroit que vous ne connaissiez pas ? Dans leurs yeux qui brillent, je vois bien qu'ils attendent que je sorte une autre antiquité exotique de mon placard à malices. J'hésite un instant entre une boussole et une carte routière et finalement j'opte pour cette dernière. Je choisi une carte de la région bien détaillée et je la déplie soigneusement sur la table. Ils n'en reviennent pas de la taille de la carte une fois complètement étalée. Je leur montre la légende qui les amuse beaucoup avec ses petits dessins stylisés : trois petits points pour des ruines, un éventail proche du symbole Wi-Fi pour les points de vue et ainsi de suite. Je leur indique notre position actuelle et leur demande comment ils feraient pour rentrer chez eux. Au début, ils suivent les routes au hasard, comme un labyrinthe pour enfants et sont ravis quand ils croisent un nom connu. Ensuite, ils réfléchissent et finalement Max dit à sa sœur qu'ils n'ont qu'à se souvenir du trajet. - Souviens toi, quand on part d'ici, on tourne à droite puis très vite à gauche, alors ce doit être cette route jaune là, non ? En échangeant leurs souvenirs et en suivant le tracé des routes, ils finissent par trouver l'itinéraire de chez moi à chez eux. Ils sont fiers comme s'ils avaient effectué un des douze travaux d'Hercule. Avant qu'ils n'essaient de trouver leur école, le bip de la box retentit. Aussitôt, ils abandonnent carte, téléphone et arrière grand mère et se précipitent sur leurs consoles. - Tu crois que la partie a été sauvegardée ? demande anxieusement Eve à son frère. Je replie la carte avec soin pour la prochaine coupure. Je demanderai à ma petite fille de tout remettre dans le placard. Je me suis bien amusée à montrer mes vieilleries mais maintenant je suis fatiguée, je sens que je m'assoupis.

    1. Atelier
  4. Vol de nuit

    17 septembre 20222 minutes

    Je me souviens d'un voyage catastrophique, cauchemardesque, digne d'un film de fiction tant il parait peu probable d'enchaîner autant de mésaventures ! Courant octobre, nous avions décidé de voyager de nuit pour profiter au maximum de nos quelques jours de vacances en Crète. Hélas une grève des contrôleurs a compromis ce départ. L'agence de voyage a réquisitionné un car et nous voici, mal installés, en route pour l'aéroport de Bruxelles. Aucun paysage à voir dans l'obscurité et un chauffage défaillant! A l'aéroport, quasi désert, nous avons été bousculés et embarqués sans ménagement. Le personnel au sol comme celui à bord avait l'air épuisé et maussade : réquisitionnés eux aussi ? Des turbulences ont accompagné l'avion de bout en bout et il ne nous a même pas été proposé de rafraichissement ! A l'arrivée, le tout petit aéroport était fermé ! Nous sommes descendus directement sur le tarmac et avons récupéré nos bagages depuis la soute. Heureusement les grecs exubérants qui déchargeaient et le bruit de la mer toute proche donnaient un air joyeux à cet atterrissage pour le moins non conventionnel ! Nous n'avons pas vu le moindre officiel que ce soit la douane, la sécurité ou autre... De très jeunes gens brandissaient les pancartes des différentes agences de voyage et les éclairaient à la lampe torche. Notre correspondante, alerte et joyeuse malgré l'heure, entassa voyageurs et bagages dans un mini car, conduit par un chauffeur ne parlant que le grec. Il distribua les touristes dans les hôtels. Pour nous ce fut au bord de la route et nous comprimes qu'il fallait descendre à pied, avec nos valises, un chemin vers la mer. Le ciel étoilé nous permettait à peine de suivre la piste jusqu'à l'hôtel plongé dans le noir. Une cloche invitait à sonner. Nous avons visiblement réveillé le gardien qui après avoir longuement consulté le registre a fini par téléphoner à un responsable. Après une courte discussion dans un grec précipité, le veilleur nous expliqua dans un anglais scolaire que nous n'avions pas de chambre pour cette nuit (vu notre arrivée tardive, ils l'avaient donné à d'autres) mais que nous logerions, pour une nuit seulement, chez l'habitant. Et donc c'est dans un triporteur bringuebalant que nous avons effectué la dernière étape de ce voyage interminable. Le temps que notre hôte finisse de mettre des draps propres, l'aube se levait...

    1. Atelier
    2. Voyage
  5. Un dîner intéressant

    25 juin 20223 minutes

    Félix m'avait dit : en toute simplicité. Mais dans ce milieu, la simplicité est toute relative, j'avais donc changé de chemise et mis une veste légère mais pas de cravate. Je descendis quelques minute après avoir entendu le carillon du portail pour laisser à mes hôtes, Félix et Héloïse, le temps d'accueillir leur invité d'honneur. Arrivé dans le hall, je m'orientais vers la terrasse d'où provenait un brouhaha de conversation. Là, je vis une femme magnifique, grande, élancée, une allure de reine avec ses talons aiguille, sa robe légère, ajustée… Elle se retourna au bruit de mes pas. J'en fus ébloui : des yeux verts amicaux, des pommettes hautes, un sourire chaleureux. Avant que je ne puisse faire un geste ou prononcer une parole, Félix se précipita vers moi tout fier : - Je te présente Bernard, s'il est encore besoin de le présenter ! Bernard, je te présente mon ami parisien Anatole. Je découvris alors un petit homme bedonnant à la chevelure clairsemée. Il arrivait à peine à l'épaule de l'apparition. Il me tendit une main… qui s'avéra moite. Je me forçais à la serrer avec mon plus beau sourire commercial et me tournais courtoisement vers la jeune femme. - Vanessa annonça succinctement Bernard. Héloïse arriva avec des coupes de champagnes. - Trinquons au succès de Bernard, lança-t-elle. Nous trinquâmes donc. Bernard accapara aussitôt la conversation en racontant avec force détail : comment il procédait, le lieu, l'heure, le choix des mots. Pendant cette logorrhée ennuyeuse, j'échangeais des regards ironiques avec Vanessa. Héloïse avait disparu, sans doute dans la cuisine et Félix buvait les paroles de l'écrivain. Le dîner risquait d'être long ! Le carillon sonna à nouveau et un couple joyeux arriva, à la surprise quasi générale, surtout celle d'Héloïse qui venait de nous rejoindre et demanda poliment : - Vous êtes ? - Je me suis permis d'indiquer à Alain et Martine qu'ils me trouveraient ici ce soir. Ils souhaitaient tellement que je leur dédicace un exemplaire, intervint Bernard qui frétillait littéralement. Félix emmena admirateurs et auteur dans le bureau, Héloïse retourna dans la cuisine. Je me retrouvais seul avec la belle Vanessa. Ne voulant pas commettre d'impair, j'optais pour la forme interrogative : - Vous êtes une amie de Bernard ? - Pas vraiment, je me suis fait piégée, comme vous apparemment. Je suis agent littéraire à Avignon, pour la région sud chez Fayard. Félix m'a invité puis demandé de covoiturer ce fameux Bernard. Après ce trajet en commun, je ne pense pas que Fayard fera une proposition. Vous avez donc le champ libre. Vous êtes bien de la maison Laffont ? - Piégé moi aussi, en effet. Mais je ne le regrette pas puisque je vous ai rencontré. Nous n'avons pas d'agent littéraire en province mais nous étudions la question. Pour l'instant nous partons de l'hypothèse que tous les écrivains un tant soit peu ambitieux envoient leur tapuscrit sur Paris. - C'est vrai pour les auteurs confiants dans leurs écrits mais pour dénicher des pépites, il faut se rapprocher de ceux qui n'envoient pas d'œuvres aux éditeurs, qui sont connus uniquement par les animations locales concernant l'écriture, des concours de nouvelles, des ateliers… J'étais content du tour que prenait la conversation, légère mais professionnelle. - Fayard parraine-t-il ce type d'activités ? enchaînais-je. Mais je n'eus pas de réponse, Bernard effectuant un retour tonitruant dans la pièce. - Tenez, c'est cadeau et dédicacé ! Ca en jette quand même plus qu'un tapuscrit non ? Nous remerciâmes poliment en prenant chacun notre exemplaire. Héloïse revint pour nous inviter à passer à table. Elle avait placé Bernard en bout de table, son mari et elle l'encadrait. Je me retrouvais donc entre Héloïse et Vanessa. Le repas ne me semblerait sans doute pas si long finalement

    1. Atelier