Qu'est-ce qu'un retable ?

A l'origine, les autels étaient surmontés de croix en orfèvrerie (7ème siècle) puis de croix en bois polychromes puis de croix en bois agrémenté de scènes qui prennent de plus en plus de volume jusqu'à devenir des retables (13ème siècle). En Italie les retables sont fixes alors qu'en France, Flandres et Allemagne, ils peuvent être fermés ou ouverts. Fermés : les scènes intérieures sont protégées.

Contexte historique :

Philippe VI puis Jean II font face à la guerre de cent ans. Jean II partage son royaume entre ses 2 fils : la France pour Charles V et la Bourgogne pour Philippe le Hardi. Par un mariage, la Bourgogne récupère la Flandre et l'Artois et un accès à la mer et donc au commerce maritime. Le 3ème duc de Bourgogne (petit-fils de Philippe le Hardi) a à son service Van Eyck (à la fois comme valet, diplomate et peintre)

L'artiste :

En fait on devrait parler des frères Van Eyck, Jan et Hubert, les 2 étant artistes et ayant participé au retable. Jan est né à peu près en 1380 et mort en 1141. Il est célèbre pour ses portraits d’un naturalisme minutieux et d'une extrême précision au point qu'on l'a parfois comparé à Apelle. Ses tableaux les plus connus sont Les Époux Arnolfini et La Vierge du chancelier Rolin. Il termina par ailleurs le fameux retable de L'Agneau mystique, commencé par son frère Hubert van Eyck. Il est l'un des premiers artistes à signer ses œuvres. Dans la vingtaine de tableaux qui nous sont parvenus, sa technique de peinture à l'huile de térébenthine est innovante. Il faut prêter attention aux multiples détails (rappelant les enluminures des très riches heures de duc de Berry des frères Limbourg) .

Description de l'œuvre :

Ce polyptyque a été commandé par un couple de notables : Joos Vijdt et Isabelle Borluut. Il mesure 3 m 50 x 2 m 50 fermé et est en chêne de la Baltique.

Les costumes, les architectures et les décors correspondent à l'époque de l'œuvre et non pas des scènes bibliques.

Polyptyque fermé :

En haut : les prophètes Zacharie et Michée encadrant les sibylles d’Erythrée et de Cumes.

Chaque personnage est accompagné d'un phylactère :

• Zacharie : « Exulte de joie, fille de Sion, voici que ton roi vint à toi"

• Michée : "Mais c’est de toi que sortira celui qui doit régner en Israël"

• Sibylle d’Erythrée : « tu ne prononceras pas de parole humaine,mais tu es inspiré par la divinité »

• Sibylle de Cumes : « Un roi viendra,c’est à savoir, dans les siècles futurs, présent en chair »

Au milieu : L' annonciation

Les plis cassés des vêtements sont typiques des peintres flamands et bourguignons de cette époque.

Van Eyck introduit la représentation de l'ombre des personnages. C'est un spécialiste du détail : les bijoux et les tissus en particulier, mais aussi une carafe transparente près de Marie.

Les détails ne sont pas que des ornements, à cette époque les objets sont chargés de sens, ainsi la carafe en cristal symbolise la pureté, raison pour laquelle elle est toute proche de Marie.

A noter : l'ange n'a ni ride, ni barbe.

Les panneaux centraux sans personnage, préfigurent les natures mortes (qui n'arriveront qu'au 16ème siècle).

L'ange dit : « Salut comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » et Marie répond « Voici la servante du Seigneur ». Cette réponse est écrite à l'envers comme dans d'autre tableaux de Van Eyck.

En bas : les 2 commanditaires sont représentés encadrant les statues de Saint Jean-Baptiste et Saint Jean l'évangéliste.

Sur le cadre, en bas : Le quatrain « Hubert Van Eyck,le plus grand de tous les peintres,a commencé ce travail.Son frère Jan,second dans cet art a achevé cette lourde tâche à la demande de Judocus Vijd.Il vous invite par ce vers le 6 mai 1432 à regarder ce qui a été fait. »

Polyptyque ouvert :

En haut :

En vis à vis :

Adam nu, au-dessus une petite scène d'Abel et Caïn faisant une offrande à Dieu. Adam a été "habillé" au 19ème siècle.

Eve, nue et elle aussi habillée au 19ème siècle, surmontée d'une petite scène où Caïn tue Abel.

Adam et Eve encadrent les anges chantres d'un côté et les anges musiciens de l'autre. Ceux-ci sont habillés somptueusement pour mettre en évidence la misère de l'humanité.

A noter :

• Eve tient le fruit défendu qui ici n'est pas une pomme !

• Dans le camail du chantre au premier plan, on voit le reflet d'une fenêtre !

• le tapis présente en alternance le monogramme du christ, l'agneau et des fleurs symboliques

Au centre (toujours en haut), une déisis d'influence orientale ; Marie, le Christ et Saint Jean Baptiste.

L'identité de ce personnage vêtu de rouge n'est pas clairement établie et a donné lieu à de nombreux débats. Selon plusieurs historiens de l'art, il s'agit du Christ en majesté, représenté sous les habits d'un grand prêtre, de Dieu le père, ou la Sainte Trinité représentée par une seule et même personne (le fait que le personnage porte une triple tiare pourrait, selon certains, conférer une certaine crédibilité à cette théorie).

(Remarque : La déisis (aussi orthographié déesis ou déïsis; du grec Δέησις, prière; en russe : déïsous), signifiant « intercession », est un thème iconographique particulièrement présent dans l'Église byzantine; il représente le Christ en gloire, assis sur un trône et tenant un livre en main, entre la Vierge Marie et saint Jean Baptiste dont les mains tendues vers le Christ intercèdent auprès de lui pour l'humanité.)

A noter :

• La couronne de Marie est fleurie, à nouveau de façon symbolique : Lys = virginité Rose = l’amour Muguet = porte-bonheur Ancolie = humilité

• derrière le christ, sur la tapisserie, une représentation du pélican : symbole du sacrifice (il nourrit ses petits en s'ouvrant le ventre)

• au pied du christ, la couronne comporte pinacles et fleurons comme les églises de l'époque

Au milieu : L'agneau mystique (qui a donné son nom au polyptyque)

A gauche :

• Saint George et ses soldats dans lesquels on a cru reconnaître Saint Louis, Godefroy de Bouillon, Charlemagne

• Saint Michel et les juges intègres, le juge à la coiffe noire ne serait-il pas Van Eyck lui-même ?

A droite :

• Saint Christophe et les pèlerins

• Saint Antoine et les ermites et 2 femmes !

Ces 4 panneaux représenteraient les 4 vertus cardinales : Force, Justice, Tempérance et Prudence.

Le panneau central est une explosion de couleurs.

L'agneau est placé au centre, son sang remplissant un calice, entour des instruments de la passion : croix, couronne, épine, lance, colonne et fouet

4 processions s'avancent vers l'agneau :

• en haut à gauche : des martyrs avec leur palme : les vierges et les saintes avec au 1er plan : Agnès, Barbe, Ursule, Dorothée

• en haut à droite :les saints évêques eux aussi avec la palme du martyr

• en bas à gauche : les patriarches et, avec des livres, les prophètes

• en bas à droite : les apôtres au nombre de 14 (Judas et Paul) et des saints dont Saint Etienne et sur la bordure Saint Liévin (saint patron de Gand)qui tient sa langue entre des tenailles.

Dans ce retable 75 espèces végétales ont été peintes dont 48 identifiées.