Amérique
10 octobre 20153 minutes
Amérique
10 octobre 20153 minutes
Passer de New York, la trépidante et cosmopolite cité, à Seattle, dans l'état de Washington, en novembre, n'est pas une partie de plaisir ! Vous pouvez me croire. Dans les rues ruisselantes de pluie, où les clochards et autres vétérans perdus se protégeaient de la pluie sous les porches, je cherchais la place historique, Pioneer Square, où j'avais rendez-vous à côté du totem. Mon collègue, stoïque sous un gigantesque parapluie m'attendait. Jeune, casque aux oreilles, je dus le toucher pour qu'il fasse attention à moi. Quand il ôta ses écouteurs, à ma grande surprise, j'entendis la vois d'Elvis Presley. devant mon étonnement, il crût bon de m'expliquer qu'il s'entraïnait pour un spectacle rétro que son association donnerait lors du children's Christmas de la ville. Je hochai la tête avec impatience. J'étais venu pour apporter mon aide dans la résolution de morts suspectes, pas pour me plonger dans la vie locale de cette ville du bout du monde. Heureusement, me raconter sa vie, ne l'empêchait pas de marcher et nous étions arrivés sur les lieux. L'équipe scientifique avait emporté les corps et seules les silhouettes tracées à la craie blanche, permettaient de reconstituer la scène :
La carcasse, encore impressionnante, de la traditionnelle dinde de Thanksgiving, trônait dans un grand plat de service, entourée d'épis de maïs figés dans la graisse et d'une purée de potiron desséchée.
La volaille avait été servie et tous les convives, huit, étaient décédés ! Le légiste avait trouvé dans les huit estomacs la farce assaisonnée... au curare.
Cet empoisonnement familial était-il d'origine criminelle, voilà ce que je devais découvrir. C'était la quatrième année consécutive qu'une famille complète était ainsi décimée, avec une telle similitude dans les faits que le doute n'était plus permis. Je me fis confirmer qu'aucun curare n'avait été trouvé dans la maison et que, lors de la macabre découverte, un i-pad, déposé au milieu de la carcasse, diffusait en boucle : "tendre est la nuit".
Il fallait se rendre à l'évidence : un fou, ou une folle, tuait chaque année, à la même date et selon le même mode opératoire, une famille. Nous n'avions pas trouvé de points communs avec les trois cas précédents, ou plutôt trop de points communs.
A chaque fois, il s'agissait d'une famille de cinq personnes : le père exerçait une profession honorable (juriste, comptable, médecin), la mère sans emploi s'impliquait dans les associations culturelles (théâtre, musique, poésie), les trois enfants étaient adultes et pour la plupart en couple. Le nombre de victimes étaient, en conséquence, de huit pour la première famille, six pour la deuxième (seule la fille était mariée et son bébé qui dormait dans une chambre à côté avait été épargné), sept pour la troisième famille (le dernier fils n'était pas accompagné) et à nouveau huit cette année.
Les Thanksgiving mortels avaient eu lieu à Harrisburg en Pensylvanie puis à DesMoine dans l'Iowa et Rock Springs dans le Wyoming suivant une trajectoire vers l'ouest. Seattle étant un port du Pacifique, pouvait-on espérer que ce serait le dernier ?
Je ne me faisais pas d'illusion, ma hiérarchie ne me laisserait pas attendre l'année prochaine pour vérifier cette hypothèse ! Une fastidieuse recherche sur cette infortunée famille allait me retenir ici un moment !