Les noces normandes
24 novembre 20092 minutes
Les noces normandes
24 novembre 20092 minutes
Aujourd'hui une sympathique animation règne sur la place de l'église et aux alentours : c'est la fête de l'outil ancien. Je déambule avec curiosité au milieu des étals, certains instruments me rappellent ces mêmes objets entrevus lors d'une visite chez des parents éloignés, en province. Un peu plus loin, ce ne sont pas des outils qui sont présentés mais des cartes postales, essentiellement en noir et blanc, rangés par département puis par ville. Je feuillette rapidement les boites classées pour retrouver des lieux que je pourrais connaître mais rien sur les quelques villages ruraux qui pourraient m'intéresser. Je continue à consulter les boites des départements que je ne connais pas pour le plaisir de ces clichés évocateurs. Dans la boite Normandie, une carte m'interpelle. Le cadrage déjà est étonnant : à gauche comme à droite un personnage est coupé. A gauche on devine un pied et une jambe de pantalon, à droite la moitié du visage, l'épaule et le bras gauche manquent. Il s'agit d'une noce normande. A gauche, on peut supposer qu'il s'agit d'un invité de moindre importance ou même d'un badaud mais à droite je parierai qu'il s'agit de la mère de la mariée. Le deuxième point surprenant est le sérieux austère qui se dégage, tous les visages sont sérieux, concentrés. A l'époque le mariage a encore valeur d'engagement éternel, mais tout de même !
La mariée esquisse un sourire en regardant l'opérateur, sa main est crispée sur le bras de son époux. Derrière la mariée, sans aucun doute les parents de celle-ci, dont la mère, incomplète. Entre les mariés, un homme jeune en haut de forme : le seul qui sourit. Derrière le marié, une personne presque entièrement cachée : on ne voit que la coiffe volumineuse, puis juste à gauche, probablement la mère du marié, en grande tenue : châle et coiffe, l'expression sévère. Le cortège se déroule en léger arc de cercle jusqu'à l'arrière plan. Les hauts de forme dominent et les regards sont tournés vers l'objectif. A gauche, rompant l'ordonnance du cliché, un couple qui ne regarde pas l'objectif et qui se dirige vers le défilé des invités : la femme soulève sa longue jupe pour avancer et l'homme est en uniforme. Cet uniforme, soudain, explique à mes yeux le manque notoire d'enthousiasme. Il me semble entendre le commentaire du badaud tronqué : « Ah bah, le p'tit Mathurin a eu une permission finalement, c'est qu'il est lieut'nant, maint'nant », j'entends aussi le sarcasme du photographe amer : « Y a bien que Roland pour sourire, forcément avec sa faiblesse pulmonaire, il est réformé lui ! »