Je reste inconsolable

10 novembre 20253 minutes

Son désir fou était de trouver le chef d'œuvre ultime. Au fur et à mesure de ses voyages professionnels, il se fit une obligation de visiter les plus grands musées du monde. Uniquement les collections permanentes. il eut la chance d'être envoyé à Saint Petersburg (L'Hermitage), à Londres (National Gallery), au Caire et à New York mais aussi à Albi (Toulouse-Lautrec), Oslo (Munch), ou à Seattle (rien à signaler). A chaque fois il se renseignait consciencieusement sur les chefs d'œuvres patentés, estampillés et peu à peu il mit au point un système de notations complexe incluant, entre autres,  la rareté, la notoriété et la valeur pécuniaire mais cela n'était pas satisfaisant. La pierre de Rosette (British Museum) par exemple, aussi unique soit elle, n'était pas belle et d'ailleurs ce n'était même pas une œuvre d'art. Les côtes des œuvres fluctuaient beaucoup trop en fonction des modes ou des actualités. Du coup, le paramètre "ça me plait" prit une plus grande importance dans son équation. Il essaya d'ajouter l'avis de quelques amis mais il n'arrivait jamais à un consensus, bien au contraire, il faillit en perdre quelques uns au cours de discussions polémiques ! Il retira ces critères "amicaux" : les critères objectifs et sa seule subjectivité compteraient. Après un réveillon bien arrosé, il faillit se décourager et tout abandonner : ses hôtes remettaient en question son champ de classification : alors selon toi,  la musique ne comporterait aucun chef d'œuvre ? Et la littérature ? Et le cinéma ? Après une grande remise en cause de son projet, il décida, dans un premier temps, de trouver le chef d'œuvre ultime restreint aux peintures, sculptures et objets précieux. Il avait déjà noté et classé une liste impressionnante. Les variations qu'il apportait à son système de paramètres pondérés ne lui facilitait pas la tâche. Il finit par figer sa méthode après plus de quinze ans de tâtonnements. Ce fut un grand jour. Il vérifia ses milliers de références et ne retint que les cent premiers. Comme il était devenu vieux, il ne se déplaçait plus et utilisait internet pour vérifier telle  ou telle œuvre citée dans un article ou vue dans une émission et lui appliquait sa notation et l'éliminait sans regret si elle n'atteignait pas la centième place. Un jour pourtant, il découvrit au musée national de Budapest un ange en bois polychrome, moyenâgeux, de toute beauté mais même avec la note maximum dans la colonne "ça me plait", il n'atteignait que la place deux cent deux ! Il recommença alors à modifier les pondérations mais ce n'était pas si facile tellement le système était devenu sensible. Sur un essai malheureux, aucun des cent premiers n'était vraiment connu et pire aucun ne lui plaisait. Il en devenait obsédé, mangeait peu, dormait mal et tomba malade gravement ! Sur son lit de mort il déclara : " Je reste inconsolable de ne pas avoir trouvé mon chef d'œuvre préféré".

Ceci dit beaucoup d'étudiants et de chercheurs dans le domaine de l'histoire de l'art se servent encore de son système de notation.

  1. Atelier
  2. UOV

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  1. un voyage qui n'aura jamais lieu

    13 octobre 20252 minutes

    Les voyages sont propices aux rencontres. Des rencontres dont on se serait bien passées, comme celle de ce douanier indonésien pointilleux qui posait tant de questions dans un anglais des plus approximatifs et avait bien du mal à comprendre nos réponses hésitantes ou ce vendeur à la sauvette insistant et volubiles qui nous a suivi de notre sortie de l'hôtel jusqu'à l'entrée sur le site des pyramides sur plusieurs centaines de mètres ! Et des rencontres plus amusantes comme ce jeune homme qui m'a expliqué qu'à Seattle, l'enseigne du hard rock café était à l'envers en hommage à, Kurt Cobain qui la portait ainsi. Cet hôte si chaleureux à la Réunion qui a tenu a nous montrer les différents légumes de son jardin. La plupart de ces rencontres sont sans lendemain mais quelques unes se prolongent comme ces alsaciens rencontrés à Java qui continuent de nous envoyer des bredele tous les ans ou ce jeune couple à qui nous avons fait découvrir la Corrèze tout de même moins spectaculaire que les pentes du Népal où nous avions fait connaissance. Toutes ces rencontres les bonnes comme les mauvaises constituent l'essentiel de nos anecdotes. Quand aux autres anecdotes qu'on aime partager ou juste se souvenir, ce sont les aléas tragi-comique qui ont pu survenir. Ma fille effectuant un magnifique vol plané dans le hall d'un charmant petit hôtel écossais, une carte mal lue qui nous a égaré dans une vallée inoubliable et qui se terminait en cul de sac ! Tel rodéo canadien inattendu au lac Saint Jean où des cow-boys aguerris aux petits enfants de 3 ans, tous s'enthousiasmaient à monter qui des taureaux, qui des agneaux ! C'est à se demander si un voyage sans aucun incident ne serait pas un peu plat voire ennuyeux ! Heureusement un tel voyage n'aura jamais lieu : l'inconnu est au bout de la rue !

    1. Atelier
    2. UOV
  2. Grand Rallye senior de la traversée de la Grèce

    11 octobre 202512 minutes

    A ma grande surprise, mon garagiste m'a sollicité pour participer à un tout nouveau rallye organisé par le ministère du tourisme de la Grèce en partenariat avec Renault et Samsung ! La direction Renault avait sélectionné des clients fidèles attachés au modèle Clio. C'était mon cas. Comme je montrais clairement mon intérêt il me mit en contact avec les organisateurs, je reçus très rapidement un carnet de voyage et une date pour une première réunion. L’objectif : Rejoindre des balises et pour chacune d'elles prendre un cliché original, en parcourant le moins de kilomètres possible, au cœur d’une Grèce millénaire. Un seul cliché est pris en compte pour chaque balise. Le véhicule : Renault Clio V (BJA) 1.6 E-Tech 145ch full hybrid Techno. Un bivouac nomade se déplacerait assurant , un lieu de vie, de soin et de logistique pour les participants. Les étapes au nombre de six se découpaient ainsi : 1ère étape : Corfou - Janina (117 km), 2ème étape : Janina - Lamia (239 km), 3ème étape : Lamia - Delphes (90,6 km), 4ème étape : Delphes - Olympie, 5ème étape : Olympie - Corinthe (211 km) (235 km), 6ème et dernière étape : Corinthe - le Cap Sounion. Il y aurait soixante-dix équipes de 3 personnes : un pilote, un navigateur et un photographe. J'étais vraiment intéressée mais je peinais à constituer une équipe : mon mari était en déplacement à Budapest sur les dates du rallye, mes amis avaient tous et toutes tant d'occupation que personne ne pouvait (ou ne voulait) se libérer. Je pestais tant et plus et commençais à accepter l'idée que je ne participerais pas quand finalement, à ma grande surprise, mon fils et ma fille m'annoncèrent qu'ils viendraient. Leur enfants étaient assez grands et les conjoints respectifs acceptaient une semaine de "célibat". Du coup ce rallye devenait une vraie source de joie ! En plus je savais que ma fille, la plus pragmatique d'entre nous, penserait à tout, de la pharmacie aux maillots de bain, des différents chargeurs nécessaires aux horaires des musées et monuments. Petit plus non négligeable, elle savait changer une roue. Mon fils, depuis qu'il avait pris sa décision, était plongé dans Google map pour repérer la totalité des routes carrossables ou non. Il avait demandé à ChatGPT d'optimiser l'itinéraire en nombre de kilomètres pour chaque étape et avait vérifié si l'Intelligence Artificielle n'avait pas fait d'erreur (elle en avait fait quelques unes). Quand à moi je regardais toutes les photos prises des années auparavant lors de nos précédents séjour en Grèce pour essayer de repérer quelques lieux originaux et inédits. Quelle journée ! Moi qui n'aime pas attendre, j'ai l'impression de n'avoir fait que cela ! Attente à l'aéroport en France pour être enregistré en tant que groupe, attente à Corfou pour que chaque équipe récupère la voiture qui lui a été attribuée. Elles sont toutes de couleur bleues avec des stickers bien visibles et un numéro. Nous sommes l'équipe numéro sept, chiffre porte-bonheur comme chacun sait. Nous avons roulé en file indienne et au pas de l'aéroport jusqu'au terminal du ferry où l'embarquement puis le débarquement ont été très longs, heureusement dans la bonne humeur des concurrents et des grecs ravis de voir cette caravanes de clio bariolées. Et encore de l'attente dans la banlieue, sans intérêt, d'Igoumenista pour les  vérifications techniques et administratives avant le départ officiel avec discours, musique et même danses folkloriques ! A côté de toutes ces attentes successives, les cent dix sept kilomètres de l'étape ont été avalés en un peu plus d'une heure. Tout ça pour attendre à nouveau que l'on nous désigne notre tente et que l'on récupère notre cliché. Des photos j'en ai pris pas mal : la petite chapelle orthodoxe coincée entre deux pistes d'atterrissage à ras de l'eau de l'aéroport de Corfou, un détail rouillé du ferry sur le fond bleu de la mer et du ciel qui se confondent, la poussière soulevée au départ des soixante-dix voitures, une vue prise à travers le rétroviseur extérieur avec effet polarisant, le bivouac tel que nous l'avons découvert en arrivant : un océan de toiles grises. Après concertation nous avons choisi la chapelle. Une fois la voiture garée, les bagages dans la tente et la douche prise, nous déambulons et échangeons avec les autres participants. Beaucoup sont allés voir le musée d'histoire grecque de Pavlos Vrellis (un musée de cire privé) ajoutant vint ou trente kilomètres au compteur. Notre navigateur est, lui, très fier, d'avoir rallié l'étape en cent quinze kilomètres au lieu des cent dix sept indiqués sur l'itinéraire.  Il n'y a pas de petite victoire. A notre gauche, trois amis qui ont l'air de bien s'entendre, je n'ai retenu que le prénom de l'un d'entre eux, Pierre. A notre droite un trio haut en couleurs, deux femmes très (trop) élégantes et un homme Marc, joyeux, enthousiaste et bavard. Nous apprenons ainsi qu'ils sont arrivés au départ sans avoir constitué d'équipe, apparemment c'est le cas d'une dizaine de concurrents, les organisateurs les ont répartis au mieux. On verra bien, après tout pourquoi pas. A l'inverse nous avons entendu un début de polémique sur une équipe composée de deux voitures et de six participants dont un seul photographe : cela est-il oui ou non conforme au règlement ? Cela nous importe peu, nous allons nous restaurer dans la grande tente prévue à cet effet, hélas très bruyante. La cuisine est grecque et savoureuse. Lorsque nous rejoignons notre emplacement, nous croisons un homme en VTT qui nous demande où trouver les organisateurs avec un fort accent américain. Demain départ libre, du café et des gâteaux seront disponibles dès cinq heures, nous ne comptons pas être si matinaux ! Néanmoins le lendemain nous avons été réveillés par les autres équipes qui parlaient fort et démarraient bruyamment ! Donc nous avons profité du petit-déjeuner. Le café grec proposé semblait être très léger en goût et en force, heureusement j'avais amené mes sachets de thé. Nous sommes partis avant huit heures, comme c'était l'équipe logistique qui s'occupaient des tentes et du campement, nous n'avons pas eu grand chose à faire. Dès que nous avons atteint le site des Météores, nous avons privilégié la marche à pied tant pour économiser les kilomètres que pour profiter des différents points de vue. Les monastères sont quand même bien haut et leur accueil toujours amical. Nous avons pu comparer les fruits et boissons offertes à chaque fois. En haut de chacune de ces étranges pitons rocheux, nous avions des vues extraordinaires sur ce site unique et sur les monastères environnant. J'ai pris beaucoup de clichés qui doivent être classiques et quelques autres plus rares je l'espère : un chat au milieu des fleurs en pot, un moine appelant à la prière en tapant sur une planche de bois remplaçant la cloche habituelle. Nous sommes arrivés tard et fatigués au bivouac. Nous pensions bien être les derniers, mais l'équipe de Pierre est arrivé après nous et contrairement à la veille, ils se boudaient les uns les autres en échangeant des petites phrase assassines qui nous permirent de comprendre qu'une crevaison les avait retardé et avait plombé l'ambiance ! Un organisateur essayait d'apaiser l'équipe quand il fut pris à partie par une grande femme très remontée. Elle argumentait qu'un seul cliché était par trop réducteur, frustrant, injuste. L'organisateur l'entraîna rapidement vers la tente centrale et après avoir souhaité bonne nuit à nos voisins déjà rassérénés, nous dormirent d'une traite toute la nuit. Pour la troisième étape, très courte, nous avons pris notre temps. J'ai pris des clichés des sanitaires, de la tente centrale, du départ des concurrents les plus matinaux et du fameux Greg. Il avait décidé d'effectuer le rallye en VTT en suivant le même itinéraire et plus particulièrement d'une équipe nomade. J'entends par là que si Marie-Hélène, Nikos et Gérard rejoignaient bien le bivouac chaque soir, le trajet en journée n'était pas du tout le plus court mais, à ce que j'ai compris, le plus pittoresque. Ainsi, pour cette étape, ils avaient l'intention de passer par le mont Parnasse ce qui impliquait un crochet plutôt long. Visiblement la contrainte kilométrique leur importait peu. Le campement ne contenait plus qu'une seule tente quand nous partîmes, celle de Marc et ses acolytes. Nous avions appris par d'autres équipes que ces trois là avaient participé à une noce dans un village voisin et n'étaient rentrés qu'au petit matin croisant les premiers départs ! En milieu d'après-midi nous étions arrivés à Delphes noir de monde, nous avons donc décidé de rejoindre une plage isolée et de profiter d'une après-midi en bord de mer. Une fois rentrés au camp, nous avons échangé avec Pierre et ses coéquipiers redevenus les meilleurs amis du monde. Nous plaisantions sur le retard de nos autres voisins quand une mobylette crasseuse et bruyante s'arrêta et que Marc en descendit un peu pâle. Son chauffeur à peine reparti, il nous demanda anxieusement des nouvelles de ses deux compagnes. Nous n'en avions pas. Il nous raconta alors qu'il avait pris rendez-vous avec l'oracle de Delphes, conscient que c'était probablement une arnaque touristique mais curieux quand même. A la sortie de cet entretien apparemment plaisant il avait vu Gladys et Anaïs discuter avec force mouvements de tête avec deux jeunes autochtones. Il s'approchait tranquillement d'eux, plutôt satisfait des prédictions de l'oracle (qu'il ne nous révéla pas) quand les quatre montèrent dans la Clio et disparurent le laissant en plan. Bien évidemment avec son bagout et sa gentillesse, même sans parler le grec, il réussit à trouver quelqu'un pour le déposer au camp. Il avait pensé qu'il y retrouverait ses compagnes, maintenant il était inquiet ! A vrai dire les organisateurs aussi. La rumeur se répandit rapidement dans le camp, beaucoup se relayaient à la grande tente centrale pour avoir des informations. Marc était reparti avec un responsable, bilingue français/grec sur le lieu de la disparition ! Finalement le trio revint se garer avec leur Clio puis après quelques conciliabules regagnèrent la tente. Entre temps nous avions compris ce qui c'était passé : Un malentendu est très vite arrivé si vous ne savez pas qu'en Grèce, un léger mouvement de la tête signifie "oui" et un signe de tête énergique de haut en bas signifie "non". Ainsi les deux femmes avaient indiqué vigoureusement le contraire de ce qu'elles voulaient, à savoir attendre Marc ! Dans le village où les jeunes les avaient embarquées, des restes de français et de l'anglais sommaires avaient permis de résoudre les incompréhensions ! Avec toutes ces aventures, nous oubliâmes de demander quelles prédictions avait reçues Marc. Comme nous n'avions pas visité Delphes la veille, nous l'avons fait aujourd'hui et nous sommes attardé, ces ruines sont attachantes et les possibilités de vues multiples. Dans l'après-midi, nous avons rejoint le départ du ferry (toujours pour économiser les kilomètres, notre navigateur est intransigeant sur ce sujet). Hélas le dernier ferry était parti une bonne heure avant notre arrivée. Nous n'avions pas pris en compte les aléas de basse saison. Les grecs ont tendance à s'arranger avec les horaires et sont souples, ainsi le ferry que nous comptions prendre avait été supprimé sans préavis. Nous avons encore passé pas mal de temps à repérer le trajet le plus court en kilomètres et, en fait de route, nous avons emprunté des chemins caillouteux et sinueux qui longeaient la mer et ouvraient sur de magnifiques panoramas. Je pense que le cliché avec le cotre toute voile dehors sur la mer turquoise entourée de roches ocres abruptes sera celui que nous donnerons. Dans la dernière montée, périlleuse, qui devait nous permettre de retrouver la route du pont, nous avons crevé ! Aucun de nous trois se sentait de changer la roue avec une pente pareille. Alors nous avons rejoint le bitume au pas (de fait seul le conducteur était resté dans la voiture, nous nous marchions à côté). Nous avons dû changer la roue de nuit à la lueur de nos portables ! Nous avons rejoint le bivouac tout près de minuit, dans les temps mais tout juste ! Deux organisateurs ensommeillés ont noté notre arrivée, nos kilomètres et ont pris notre photo. Un repas froid nous attendait. Nous avons fait l'impasse sur la douche. Pour contrer le sort, nous nous sommes levés tôt et étions à l'ouverture du site Olympie et nous étions quasi seuls et j'ai réussi une belle photo de trois colonnes écroulées côte à côte dans une belle lumière. Nous avons enchaîné sans pause jusqu'à Corinthe où, toujours pour des raisons d'optimisation kilométrique, nous nous sommes arrêtés sans même aller jusqu'au fameux canal. Nous avons eu le temps de réviser notre voiture, nos affaires, de prendre une douche longue et chaude avant les premières arrivées. Nous avons discuté longuement avec nos voisins, le trio sympathique de gauche et Marc et ses deux acolytes à droite. Au moment où nous nous dirigions vers la tente réfectoire, nous avons rencontré Greg pitoyable son vélo cassé à la main. Il cherchait son trio associé ayant obtenu l'autorisation de la direction de course de finir le trajet dans la Clio de ses amis. Dernière journée, nous avons pris notre temps, d'autant plus que nous avions décidé de ne pas passer par Athènes. Nous avons bien profité du coucher de soleil sur le cap Sounion avec déjà un peu de nostalgie. Les organisateurs sont venus récupérer les voitures, nous donner les billets d'avion du retour et l'heure et la référence de la navette qui nous amènerait à l'aéroport. Ils nous ont aussi donné un formulaire pour leur retourner notre bilan. Le voici : Globalement mon avis est positif. Rien à redire à l'organisation ; des réunions préparatoires jusqu'au retour sur Paris, nous étions encadrés, sécurisés juste ce qu'il faut. Dans notre équipe, nous avons sans doute été trop focalisés sur la contrainte kilométrique, et comme les voitures fournies étaient des hybrides, peut-être qu'une contrainte sur la consommation de carburant aurait-elle été plus judicieuses. Nous avons bien apprécié la liberté d'organisation de chaque journée avec uniquement les deux points d'arrivée et de départ étaient imposés. J'ai entendu une équipe qui aurait aimé de n'avoir que le départ de Corfou et l'arrivée au Cap Sounion imposés (l'équipe qui a fini avec le cycliste américain), mais dans ce cas comment profiter des bivouacs, un plus logistique indispensable ! La limitation à un seul cliché en a frustré plus d'un (moi y compris) même si c'est Simone qui a manifesté le plus grand mécontentement malgré les efforts de Daniel et Eliane pour la calmer. Comme beaucoup de participants ont eu au moins une crevaison, une petite formation pour savoir changer une roue, le premier soir au bivouac serait bien utile (je pense en particulier à l'équipe qui a eu tant de mal à y arriver dans les Météores). Quand à l'aventure arrivée à Marc (abandonné par ses coéquipières sur un malentendu), il serait bon d'indiquer que les mouvements de tête d'acquiescement et de dénégation sont, chez les grecs, inversés par rapport aux nôtres.  Plusieurs équipes ont posé une réclamation officielle vis à vis de la double équipe qui ne se sont jamais quitté, ont redistribué les tentes pour éviter la mixité et n'aurait eu qu'un photographe fournissant à chaque étape deux clichés. Il serait bon de clarifier le règlement sur ce point particulier. Pour finir sur une note positive, quelle belle idée cet album souvenir vendu au profit d'une œuvre caritative ! Evidemment j'ai été touchée que mon cliché du voilier soit en couverture. Vous pouvez dès à présent m'inscrire pour la prochaine édition.

    1. Atelier
  3. Voyage et grève

    12 juillet 20252 minutes

    - Ah cette grève, quelle plaie ! Mon vol est retardé d'une heure ! - Une heure, ce n'est pas si grave, le mien de Nice à Athènes a été annulé ! On nous a acheminé en train jusqu'à Paris et maintenant, nous allons prendre Paris - Prague puis Prague - Athènes, Nous avons perdu une journée complète ! - Ah oui, c'est pire, je le reconnais. Vous connaissez Prague ? - Pas du tout, mais ce ne sera pas pour cette fois, nous n'avons que vingt minutes pour la correspondance. Nous ne connaissons pas Athènes non plus. C'est pour ça que nous y allons. Une troisième personne intervient avec assurance et une pointe de condescendance. -Moi je connais bien Prague, une fort jolie ville, riches en monuments et en rues pittoresques. Il faut aimer le baroque, évidemment. Tous les édifices sont payants, je me permets de vous conseiller le forfait touristiques de trois jours, transports illimités et principales attractions incluses. Avant que je ne puisse réponde, il enchaîna : - Je connais Athènes aussi, le musée national a été complètement refait et présente des pièces fabuleuses et uniques. Le musée de l'Acropole aussi est un incontournable. Mais ne vous contentez pas de la Grèce antique et ne négligez pas la vie nocturne. La température devient supportable et les gens sont si sympathiques. Une annonce pour le vol vers Oslo retentit et le bavard rejoignit sa porte d'embarquement. - Une véritable agence de voyage à lui tout seul. - Ceci dit ses conseils semblent judicieux, je partage son avis sur Athènes et j'ajouterai que, si vous avez le temps, prenez le bateau pour Hydra et Egine. Cette excursion prend la journée mais cela permet de découvrir deux îles grecques très différentes. - Nous en avions effectivement l'intention. Nous avons tellement hâte de voir de nos yeux ces inimitables dômes bleus des petites églises orthodoxes sur le bleu plus pâle de la mer ! L'annonce de notre vol interrompit nos échanges et, après avoir récupéré nos sacs respectifs, nous primes place dans la file d'attente de la classe économique.

    1. Atelier
  4. Voisinage

    14 juin 20257 minutes

    D'habitude, je pars à l'aube et rentre tard, la joie des bouchons quand on habite en périphérie mais que l'on travaille en ville ! Mais, je me suis cassé la jambe et après trois semaines d''hôpital me voici, immobilisé au vingt-cinquième étage. Come toujours, l'ascenseur est en panne, alors j'achète sur internet et le kiné vient à domicile. Je passe beaucoup de temps sur mon balcon ! Le matin, je ne me presse pas. De toute façon, je ne verrai que l'émigration quotidienne des travailleurs, à partir de six heures trente, puis celle des lycéens, des collégiens et enfin des écoliers qui commencent plus tard et vont moins loin. Après la succession correspondante des bruits de moteurs puis des mobylettes débridées et enfin des cris d'enfants. Dès que le calme revient, je prends position avec du café et des mots croisés et j'observe. Quel monde d'habitude ! D'abord les mères de familles se regroupent et partent u marché ou dans les magasins de proximité puis les retraités possesseurs de chiens se retrouvent au square, sacs en plastique à la main. Sur le coupe de dix heure, dix heure trente, les chiens rentrent et les nourrices sortent. Ils se saluent en se croisant mais ne se fréquentent pas ! Comme notre cité est constituée de carrés d'immeubles entourant à chaque fois un espace public dont les seules couleurs proviennent des installations criardes pour enfants, les sons rebondissent sur les murs. Et, si les aboiements subits ou les cris des marmots sont assourdissants, sur les temps calmes, on peut entendre les conversations ! Pas de scoop cependant, les retraités échangent gravement autour des dernières actualités et les nourrices commentent joyeusement les dernières séries à la mode. Branle bas de combat sur le coup de onze heures : les mères reviennent des courses chargées et les nourrices rentrent. Tout de suite après, si les fenêtres sont ouvertes, les odeurs montent alléchantes. Quand les écoliers arrivent comme une volée de moineau, je vais réchauffer un plat au micro-onde. Pendant la sieste des plus jeunes et des plus vieux, le silence règne et mon kiné passe.  Jeune et dynamique il ne se plaint pas des étages à monter et me fait bien travailler. Parfois il me demande un verre d'eau. Quand il repart je prends systématiquement une douche, je suis en sueur. A partir de seize heures trente les flux s'inversent. Les écoliers reviennent et remplissent l'espace de mouvements et de bruits auxquels s'ajoutent le retour bruyant des collégiens et lycéens. L'espace est clairement divisé en aires d'influence. Comme c'est la fin de l'année scolaire les maman ne réclament les retours en appartements que tard, parfois bien après le retour des pères et autres travailleurs. Souvent quand le calme est revenu, je reste encore sur mon balcon non éclairé et je vois quelques silhouettes se déplacer furtivement entre les immeubles. Sur mon palier, comme sur tous les autres de l'entrée C, trois portes : la mienne pour mon trois pièces, à côté pour un petit F2 et en face celle du F5 familial. Mon voisin direct est discret, souvent absent semble-t-il, Sa seule fenêtre ne donne pas sur le square central mais de l'autre côté : vue sur un terrain vague dont je profite aussi côté cuisine. Par contre les habitants du F5 ne sont pas discrets et sont nombreux ! Déjà ils envahissent le palier avec des trottinettes, poussettes, rollers et autres qui font râler copieusement les habitants du vingt-sixième et dernier étage. On ne sait jamais combien il y a d'enfants.  Je crois que la femme en a quatre et attend le cinquième. Trois autres viennent épisodiquement sans vraiment de régularité et pas toujours tous ensemble. Celui que je connais le mieux c'est Sammy, quatorze ans, l'aîné. Il me monte régulièrement mes colis non pas contre une rétribution en espèces mais en calme ! Je l'autorise à venir, seul, de temps en temps lire ou faire des devoirs dans la cuisine. Je compatis. Souvent ses frères et sœurs s'installent sur le palier avec des jeux : voitures et soldats pour les garçons, dînette et poupées pour les filles. Dans tous les cas, ils tiennent de grands discours et finissent toujours par se disputer. Comme cela résonne dans la cage d'escaliers, les habitants des autres étages crient, alors dans une cavalcade hurlante, ils dégringolent au rez-de-chaussée et filent dehors. La routine. Et puis hier, rupture dans cette routine quotidienne que je commençais à croire immuable : Entre retraités et nourrices dans le temps calme de la matinée, je vois débarquer la BRI. Les gars équipés de pied en cap se déploient,  bloquent les entrées et dégagent rapidement les quelques utilisateurs du square central. Une colonne se dirige droit vers l'entrée de mon immeuble ! Je quitte mon balcon le plus discrètement possible et rejoins la porte d'entrée, que j'entrouvre, curieux de savoir à quel étage ils vont s'arrêter. Le pas cadencé progresse à bonne allure ! Je constate que la porte voisine s'entrouvre aussi. Je m'apprête à lancer un regard de connivence quand je me fige d'effroi : mon voisin si discret est en train de me menacer avec un pistolet muni d'un silencieux. Complètement ahuri, je m'efface pour le laisser entrer alors que le tambour régulier des chaussures n'est plus qu'à un ou deux étages du nôtre ! Très détendu, mon voisin me sourit tout en mettant un doigt sur sa bouche, très explicite. Il m'enjoint du geste de m'éloigner de la porte vers la grande pièce. Les pas se sont arrêtés et je peine à retenir un cri quand la sonnette du voisin retentit. Silence pesant. - Police, ouvrez ! Un temps de silence. - Ouvrez, je vous prie où nous enfonçons la porte. Mon "invité" toujours souriant m'indique de passer derrière mon canapé et de me recroqueviller sur moi-même. - Dernier avertissement. Lui-même s'est ramassé sur lui-même, il range le pistolet dans sa poche et se bouche les oreilles en ouvrant grand la bouche. Je n'ai pas le temps de l'imiter avant l'explosion, terrible. Des cris, de la poussière. Mon voisin me salue, me parle et disparait dans la fumée dense. Totalement assourdi, je n'ai pas compris ce qu'il a dit. Quand j'arrive à me redresser et à récupérer mes béquilles, je constate que ma porte n'existe plus et, en m'avançant, qu'un paquet de marches a disparu, tant vers le haut que vers le bas. La porte et le mur de mon voisin sont pulvérisés, curieusement la porte de la famille nombreuse semble intacte. Les hommes de la BRI indemnes s'occupent avec diligence et efficacité de leurs blessés et ne me remarquent pas. Je recommence à entendre mais je le regrette : cris, gémissements, sirènes… J'ai été hélitreuillé pour évacuer mon appartement et longuement interrogé sur ce que j'avais vu, entendu, deviné… J'ai aidé la police à faire un portrait-robot mais mes souvenirs étaient divergents de ceux de la famille nombreuse, à se demander si il n'y avait pas plusieurs individus dans ce petit appartement bourré d'explosifs ! Evidemment suite à cette explosion très médiatisée, nous avons été relogés. Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où ont été logés mes anciens voisins. Pour ma part j'ai eu droit à un F2, un poil plus grand, situé à un premier étage eu égard à ma jambe, dans une cité expérimentale. Le côté expérimental est très accentué : le rez-de-chaussée, le deuxième et le quatrième étages ainsi que le toit terrasse sont végétalisés et communautaires : garage à vélo en bas, laveries, ateliers en tout genre : menuiserie, couture, peinture, danse... Les terrains entre les immeubles ont été divisés en aires de jeux, potagers, vergers, espaces barbecue tout aussi communautaires ! Tout le monde se connait et se met en quatre pour m'intégrer. Je n'ai pas encore pris un seul repas chez moi ! Leur dernière initiative : peindre chaque porte à l'image de son ou ses habitants. Notre retraité jardinier a choisi une sarabande de légumes. La plupart des familles ont laissé les enfants choisir. Je reconnais plusieurs Pokémon et bien entendu les multiples licornes arc-en-ciel mais certains héros me sont inconnus comme cette toute jeune fille habillée en coccinelle. Un couple d'antillais a souhaité retrouver la flore luxuriante de leur île : palmiers, bananiers et flamboyants. Le peintre est doué et prend la peine d'écouter chacun. Je ne sais pas me décider : un paysage de montagnes grandioses et enneigées ? Une mer turquoise du Pacifique ou au contraire une grande marée bretonne ? Devant mon hésitation, il me dit gentiment que si je change d'avis, il repeindra ma porte. Finalement je me décide pour un trompe-l'œil en forme de livre ouvert de façon à ce qu'entrer chez moi donne l'impression de tourner la page ! En effet ma contribution à cette joyeuse tribu ce sont mes livres que j'ai mis à disposition de tous et que je lis volontiers à haute voix si on me le demande. J'ai abandonné mon emploi qui me forçait à rejoindre Paris et sa cohue tous les jours et je me suis reconverti en vendeur à la coopérative bio du quartier. Pour ne pas vivre complètement coupé du monde, j'ai choisi un magasin à quatre arrêt de bus de mon nouveau logement. Et cela me permet de changer complètement d'environnement pour rejoindre un quartier de jeunes gens qui vivent sainement, richement mais, à mon avis un peu tristement. Hier, dans le premier bus du matin , dans l'aube grise, j'ai reconnu mon ancien voisin discret et explosif.

    1. Atelier
  5. Le jour où j'ai oublié

    19 mai 20253 minutes

    Toutes les familles ont leurs petits rituels, typiquement des phrases qui n'ont pas besoin d'être terminées pour provoquer des fous rires car elles évoquent le même souvenir pour chacun. Notre mère était toujours occupée à plusieurs tâches à la fois et très étourdie. Aussi nombre des anecdotes familiales commençaient par "Le jour où j'ai oublié…" ou sa variante "Le jour où maman a oublié…". Parmi les oublis les plus racontés : le jour où elle a oublié d'allumer le four pour les fiançailles de Jean et, donc, où nous avons dû attendre une heure et demie que le rôti cuise, en parlant de choses et d'autres, d'un air dégagé, avec la famille de Bérénice que nous rencontrions pour la première fois ! Curieusement les parents de celle-ci ont absolument tenu à organiser le mariage de A à Z sans laisser la moindre tâche à maman et malgré cela, elle a oublié de mettre le frein à main devant la mairie provoquant une mini panique quand la voiture quittant le parking, légèrement en pente, se dirigeait vers le cortège nuptial ! Ou, notre préférée, le jour où elle a oublié de reprendre les passeports en quittant l'hôtel et que nous nous sommes faits refouler à l'aéroport de Malé et nous avons dû prolonger notre séjour aux Maldives d'une semaine, le temps de négocier un changement de vol pour tous les huit au meilleur prix. Heureusement l'hôtel se sentant responsable nous avait fait un prix lui aussi. Moins drôle, le jour où elle a oublié qu'elle devait m'emmener à mon oral pour Ulm et que le copain d'un copain m'a dépanné par un trajet en moto sans casque et sans code de la route ! J'ai intégré Ulm, mais je ne suis jamais remonté sur une moto ! Ma femme a toujours refusé l'aide de ma mère, en particulier pour s'occuper des enfants. On lui avait sans doute raconté trop souvent les nombreuses fois où elle avait oublié l'un de ses enfants à un endroit ou à un autre : à l'anniversaire d'un autre enfant où il a fini par passer la nuit, au conservatoire, chez le dentiste et même dans un train ! Marc s'était endormi. A la décharge de maman, ni mon père, ni mes frères et sœurs, ni moi-même n'y avions pensé. Quand Marc s'était réveillé tout seul dans un train filant à vive allure, paniqué, il avait tiré sur le signal d'alarme. La SNCF avait jugé cela abusif. Donc en plus de la location de voiture pour aller le récupérer à trois cents kilomètres de là, mes parents ont dû payer une amende. Evidemment quand maman a juste oublié de saler les pâtes ou de sucrer la tarte, d'une part cela n'étonne personne et d'autre part cela lance la litanie "des jour où elle a oublié". Par contrecoup sans doute, nous sommes tous très organisés et avons épousé des conjoints qui n'oublient rien ! Maman est décédée à présent et désormais tout se déroule sans le moindre aléa, ce qui manque tout de même de fantaisie. Aussi quand ma petite-nièce a déclaré, alors que l'on servait le fromage au grand repas des cinquante de mariage de son grand-père Jean : "Oh zut j'avais oublié que c'était aujourd'hui, j'ai commandé le gâteau pour la semaine prochaine", à sa grande surprise, c'est un grand éclat de rire qui a accueilli sa remarque !

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