Zone d'intérêt

14 février 20242 minutes

La Zone d’intérêt débute par un écran noir de 5 minutes accompagné d'une musique assourdissante qui donne le dispositif du film : on ne verra rien mais on entendra tout.

Un arrière-plan que nul ne peut ignorer : barbelés, panache de fumée, mirador entourent ainsi le cocon familial. C’est surtout sur le son que l’essentiel se jouera : aboiements, cris des gardes ou arrivées de train, le tout dans un vrombissement continu renvoyant à la fournaise reléguée hors champ, mais qui inonde progressivement l’image, que ce soit dans les lueurs infernales de la nuit où la rivière submergée par une couche de cendres.

Quelques séquences par caméra thermique suivant une jeune fille dissimulant des pommes dans les zones de travail : narration en négatif d’une possible empathie, d’un hors-champ presque rêvé où la solidarité pourrait encore avoir droit de cité ?

La distorsion temporelle finale, où la visite de Hoss dans un haut lieu décisionnaire à Berlin le fait descendre un escalier démesuré qui semble métaphoriser sa chute morale, dans laquelle son corps, par le vomissement, hurle ce que son esprit est parvenu à verrouiller, alors que l’espace semble s’ouvrir sur le futur d’Auschwitz, devenu un lieu de mémoire. La séquence documentaire, tout aussi ambivalente, semble reprendre le même dispositif de distanciation, où les agents nettoient les lieux, et les seules traces restantes sont celles des objets, des restes matériaux d’une humanité dissolue dont personne ne pourra prendre la juste mesure

Remarque : Le titre du film est repris du vocabulaire technique nazi utilisé pour nommer les 40 km autour d’Auschwitz

Avec près de 200 000 entrées en première semaine, ce long métrage de Jonathan Glazer réalise le meilleur démarrage de 2024, exploit inattendu pour une œuvre aussi difficile.

  1. historique